
L’ombre portée découvre la beauté.
« Car un laque décoré à la poudre d’or n’est pas fait pour être embrassé d’un seul coup d’œil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l’un ou l’autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables« . Tanizaki
« De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l’agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d’air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l’homme à la rêverie. N’étaient les objets de laque dans l’espace ombreux, ce monde de rêve à l’incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces filets d’eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l’un ici, l’autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d’or ». Tanizaki
La beauté du contraste entre ombre et lumière, ou entre noir et or dans les intérieurs, la blancheur ombrée du papier chinois ou japonais à l’opposé de l’éclatant papier occidental, le goût des matériaux aux couleurs et aux textures complexes, comme la couleur des aliments, comme la soupe de miso rouge, dont la couleur révèle qu’elle fut élaborée jadis dans des maisons de pénombre, la blancheur bouleversante de la peau des mains ou des visages émergeant de costumes noirs dans l’ombre .
«Ce qui se trouve dans les ténèbres du bol est indiscernable, mais vos mains perçoivent l’oscillation du bouillon, et la légère condensation qui transpire sur les parois vous informe de la montée de la vapeur, dont le fumet vous laisse imaginer le goût avant même de le porter en bouche. Cette émotion instantanée est effectivement inconnue du service à l’occidentale, où la soupe vous est servie dans une assiette blanchâtre à peine creuse. J’irai jusqu’à appeler cela un mystère, le goût du zen.» Tanizaki
Les Japonais des époques anciennes auraient découvert les effets esthétiques de cette ombre produite par l’avancée du toit sur la véranda, engazva qui borde les pièces principales des maisons japonaises. Les grands panneaux de papier blanc coulissants qui s’ouvrent sur le jardin ne laissent entrer qu’une lumière tamisée. La clarté ténue venant de l’extérieur donne une apparence incertaine mais vivante qui vaut toutes sortes d’ornements. Les murs couleur de leur terre, les poteaux hashira en bois naturel, le dépouillement des pièces couvertes de nattes de paille et pratiquement sans meubles frappent les observateurs étrangers au Japon.
l’ombre c’est la poétique de l’élégance discrète.
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Il y a de quoi faire une série photo autour de l’ombre et de la lumière au Japon 🙂 Idée pour plus tard !
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