Les liens entre autonomie et écologie semblent avoir perdus de leurs acuités et ce au profit d’une visée essentiellement individualiste et apocalyptique de la dimension écologique issue en partie du principe Responsabilité de Hans Jonas et d’une approche essentiellement globalisée et donc virtuelle qui s’attache à culpabiliser/ infantiliser les individus ( tri sélectif tournant à une usine à gaz, empreinte carbone …) et envisage l’écologie comme une matrice universalisante ( COP 20,21,22…; film à la Arhus Bertrand) . A cet égard j aime à rappeler que ce dernier pour son business fut le promoteur de la candidature du Koweït à la coupe du monde de football….l’écologie et l ‘argent chevillé au corps.
Le paradoxe c’est cette détestation pour la campagne, le terroir, la communauté villageoise, les gens de peu pour des personnes se revendiquant de gauche. Enfin passons, là n’est pas notre sujet.
Ces liens ancestraux entre autonomie et écologie sont pourtant me semble t il d’une grande actualité pour contribuer à notre mieux être.
Je vais vous présentez ce qui parait du plus grand intérêt dans cette rencontre entre deux dimensions politiques de l ‘agir humain.
Je vais juste en préambule esquisser un constat rapide de la société occidentale et plus précisément de la France afin de cerner quels sont leviers sur lesquels agir afin que ces deux dimensions contribuent à un projet commun.
Les années 80 sont la juxtaposition , l’assemblage, entre d’une part un idéal néo libérale qui vise à survaloriser l ‘individu en tant qu’entreprenariat de soi même, c’est à dire la réussite par l argent et la reconnaissance sociale dans un cadre de compétitivité exacerbé et d’autre part l’ émergence d’un management , le New Public Management, qui asservit les individus et les initiatives personnelles, les savoirs faire au profit d’une méthodologie technicienne et réifiée. Enfin, la dernière pierre sans qui rien ne serait possible , la technologie digitale qui permet de créer des contraintes, de susciter des passions mortifères, d’enrégimenter nos vies par des cadres de pensée et de faire dont on ne peur se soustraire sauf a vivre un sentiment de déclassement et de dépossession. Nous avons été abandonné par l’état puis abandonné à nous même.
Le décor est planté.
Je vais utiliser le terme écologie , faute de mieux, car celui de nature ( trop vaste) et celui d’environnement ( trop urbain) ne conviennent pas. Je ne souhaite pas plus débattre de thèmes aussi éculés que le réchauffement climatique , cela n’est pas mon propos. Mon sujet peut se résumer ainsi : Comment mieux vivre collectivement dans un projet d’autonomie soucieuse de garantir un équilibre territorial ?
L’idée que l’écologie serait réactionnaire repose soit sur une ignorance des données de la question, soit sur des résidus de l’idéologie « progressiste»: élever le niveau de vie et… advienne que pourra ! Certes, aucune idée n’est, par elle-même, protégée contre les perversions et les détournements. On sait que des thèmes qui ne sont qu’en apparence liés à l’écologie (la terre, le village, etc.) ont été et continuent d’être utilisés par des mouvements gauchisants.
L’écologie est subversive car elle met en question l’imaginaire capitaliste qui domine la planète. Elle en récuse le motif central selon lequel notre destin est d’augmenter sans cesse la production et la consommation. Elle montre l’impact catastrophique de la logique capitaliste sur l’environnement naturel et sur la vie des êtres humains. Cette logique est absurde en elle-même et conduit à une impossibilité physique à l’échelle de la planète puisqu’elle aboutit à détruire ses propres présuppositions. Il n’y a pas seulement la dilapidation irréversible du milieu et des ressources non remplaçables. Il y a aussi la destruction anthropologique des êtres humains transformés en bêtes productrices et consommatrices, en zappeurs abrutis. Il y a la destruction de leurs milieux de vie. Les villes, par exemple, merveilleuse création de la fin du néolithique, sont détruites au même rythme que la forêt, disloquée entre ghettos, banlieues résidentielles ; et quartiers de bureaux morts après 8 heures du soir.
Mais l’écologie n ‘est que la partie émergée d’un iceberg qui masque une remise en question non seulement de la science mais aussi du système politique et du système économique.
Il faut que des changements profonds aient lieu dans l’évolution psychosociale de l’homme occidental, dans son attitude à l’égard de la vie, bref dans son imaginaire. Il faut que l’idée que la seule finalité de la vie est de produire et de consommer davantage — idée la fois absurde et dégradante — soit abandonnée ; il faut que l’imaginaire capitaliste d’une pseudo maîtrise pseudo rationnelle, d’une expansion illimitée, soit abandonné. Et cela, seuls les hommes et les femmes peuvent le faire. Un individu seul, ou une organisation, ne peut, au mieux, que préparer, critiquer, inciter, esquisser des orientations possibles.
Le noble n’était pas seulement ou pas essentiellement l’horrible exploiteur, dominateur, etc., il était aussi celui qui prenait soin de ses hommes, et tout le reste ; le village était solidaire. Pour Tocqueville, tout cela s’est dissous — ou tend plus ou moins à se dissoudre —dans le mouvement de l’égalité des conditions. C’est tout à fait vrai. Mais la question est : qu’est-ce qu’on fait maintenant ? En Occident, ces valeurs sont perdues ou en train de se perdre. Chaque année on peut voir, comme sur un thermomètre la dislocation croissante de la communauté villageoise qui était encore très vivace il y a quarante ans. Il y a peu, chaque année, une famille avait la charge des fêtes du village, préparait le grand festin collectif de Noël qui se passe à côté de l’église, etc. Dans tout cela et dans toute une série d’autres choses, le village vivait. Il y a encore peu de temps les villages étaient en autoproduction et en autoconsommation à 97%. Qu’est-ce qu’on peut y faire ?
« Les poireaux sont promis au rachitisme, ou à l’insolente et coûteuse obésité procurée par les engrais. Ainsi vont les temps » Ciel du faubourg 1956. L’année suivante Dhôtel sera plus explicite avec Dans la vallée du chemin de fer, puisque le personnage principal, Jérôme Baltar, songe devant le spectacle de la « nature » qui s’offre à ses yeux : « On arrivera à supprimer la campagne. Déjà on avait éliminé les bleuets et autres plantes parasites des céréales. Les herbes des talus et les insectes s’évanouiraient peu à peu, les revues scientifiques l’assuraient ».
Une première piste , politique, loin d’être absurde avec des déplacements massifs depuis peu des métropoles vers les provinces ( télétravail, qualité de vie…) est de favoriser et d’accompagner cette orientation par des organisation locales . A cet égard serait il possible de s’inspirer de la référence au pays Natal au japon.
Au Japon, la référence au pays natal, furusato est couramment évoquée lorsque deux personnes entament une relation personnelle. Les deux plus grands mouvements de population dans l’année sont en effet le nouvel an et la fête Obon du 15 août. Pour ces deux fêtes, les Japonais retournent (autant que faire se peut) dans leur région d’origine et y retrouvent leurs familles dans un cadre généralement plus traditionnel que celui des villes. Furusato représente à la fois la vie traditionnelle, la communauté villageoise, la maison natale, les fêtes locales et le charme de la campagne. .
De nombreuses raisons expliquent I ‘importance du village natal au Japon .Tout d abord l’exode rural est relativement récent et la mémoire du pays natal reste encore vive en raison de l’importance des liens familiaux, de la piété filiale d’inspiration confucianiste, oyakðkõ et au culte des ancêtres, lié au bouddhisme . À cela s’ajoutent les fêtes locales des sanctuaires shintô jinja généralement très anciens. Beaucoup de Japonais conservent aussi toute leur vie l’amitié envers leurs camarades de classe qu’ils revoient fréquemment dans le cadre de traditions des villages natals concernent autant les villageois restés sur place que ceux qui y retournent périodiquement. Les nombreuses fêtes annuelles du Japon montrent l’importance des espaces collectifs qui concernent l’ensemble de la population. Il y a d’abord dans tous les villages japonais des sanctuaires shintô, souvent très anciens et généralement perchés dans la montagne. Ils sont liés à des divinités locales ou nationales kami. On s’y rend plusieurs fois par an, notamment à la fin de l’année, parfois à minuit, ou au tout début de l’année. Ces sanctuaires Sont aussi le lieu de la présentation des nouveaux nés . On y célèbre parfois les mariages et diverses cérémonies d’origine ancienne. Les villages organisent avec ces sanctuaires des fêtes et des défilés où participe toute la population, tous âges confondus, revêtus pour la plupart des jolis kimonos en coton, les yukata .
De retour à leur maison d’origine, les citadins retrouvent le cadre des matériaux naturels de leurs chambres couvertes de tatami sur lesquels ils vont poser leurs matelas : les futons, après avoir relevé la petite table basse où on leur avait apporté une tasse de thé. Dans la clarté délicate produite par les panneaux de papier blanc des grandes fenêtres coulissantes ouvrant sur le petit jardin, ils apprécient la couleur des murs en terre et le bouquet de fleur sous une image ou une calligraphie placés dans l’alcôve décorative.
L’autre aspect des villages natals concerne l’ensemble des traditions locales et rurales.
Bien sûr cela n’est pas transposable en France mais la force des pays tient toujours dans une alliance entre des traditions, un collectif national soudé et des traits de modernité . Voila ce dont il faut s’inspirer afin de revenir à des modes de vie plus soucieux de la nature mais aussi plus communautaire.
S’il y a une chose terrible en politique, c’est de constater que le citoyen n’est pas, ne doit pas et ne peut pas être, s’il est un vrai citoyen, un être désincarné. Ce n’est pas une conscience politique qui se met en question, qui met en question ce qu’il y a autour d’elle. C’est un être humain, il appartient à une communauté, etc., et cette communauté a des valeurs qui ne sont en tant que telles ni philosophiques ni politiques. Ce sont en partie des valeurs artistiques, mais surtout des valeurs de vie humaine, comme celles auxquelles nous faisions allusion ici. Et ces valeurs ne peuvent même pas être formulées, encore moins imposées, dans et par un programme politique. Que peut-on dire là-dessus ? Quand j’étais jeune à Paris, il y avait encore le 14-Juillet, je dansais tous les soirs dans mon quartier. Chaque bistro faisait son bal. Avec son petit orchestre, l’accordéoniste, et tous les gens du quartier ; le 14-Juillet était là.
Le désir et la capacité des citoyens de participer aux activités politiques sont eux-mêmes un problème et une tâche politiques. Et pour une part, ils relèvent d’institutions qui les induisent, les prescrivent et créent des citoyens portés vers cela et non pas vers la protection de leurs jouissances. Et c’est cela qu’il faut institutionnaliser.
Mais cette revivification des communautés et des instances politiques se confrontent à un imaginaire dominant celui de la Techné qui serait à même de nous sortir de cette impasse entre progrès, autonomie et écologie.
Aujourd’hui tout le monde sait, tout le monde croit savoir — ce n’était pas le cas il n’y a guère — que la science et la technique sont très essentiellement insérées, inscrites, enracinées dans une institution donnée de la société. De même, que la science et la technique de l’époque contemporaine n’ont rien de transhistorique, n’ont pas de valeur qui soit au-delà de toute interrogation, qu’elles appartiennent au contraire à cette institution social-historique qu’est, le capitalisme tel qu’il est né en Occident il y a quelques siècles. C’est là une vérité générale. On sait que chaque société crée sa technique et son type de savoir, comme aussi son type de transmission du savoir. On sait aussi que la société capitaliste, non seulement a été très loin dans la création et le développement d’un type de savoir et d’un type de technologie qui la différencie de toutes les autres, mais, et cela aussi la différencie des autres sociétés, qu’elle a placé ces activités au centre de la vie sociale, qu’elle leur a accordé une importance qu’elles n’avaient pas autrefois ni ailleurs.
De même, tout le monde sait aujourd’hui, ou tout le monde croit savoir, que la prétendue neutralité, la prétendue instrumentalité de la technique et même du savoir scientifique sont des illusions. En vérité, même cette expression est insuffisante, et masque l’essentiel de la question. Car la présentation de la technique comme des moyens neutres ou comme de purs et simples instruments n’est pas simple « illusion» : elle fait précisément partie de l’institution contemporaine de la société capitaliste.
Ce que le mouvement écologique a mis en question c’est le schème et la structure des besoins, le mode de vie. Et cela constitue un dépassement capital de ce qui peut être vu comme le caractère unilatéral des mouvements antérieurs centrés sur l’avoir. Ce qui est en jeu dans le mouvement écologique est toute la conception, toute la position des rapports entre l’humanité et le monde; et finalement la question centrale et éternelle : qu’est-ce que la vie humaine ? Nous vivons pour quoi faire ? A cette question, il existe déjà une réponse. La plus belle et la plus concise formulation de l’esprit du capitalisme que je connaisse, c’est l’énoncé programmatique bien connu de Descartes : atteindre au savoir et à la vérité pour » nous rendre maîtres et possesseurs de la nature ».
Le levier écologique ne passe donc pas par un projet d’action via des solutions techniques du type voiture électrique, éolienne, réduction des effets de serre, ni par l’émergence de nouvelles addictions « vertes » liées au développement de l’offre sans limites du capitalisme.
Seul l’homme peut par son action politique et des choix culturels vivre un projet d’autonomie porté par l’écoulement des choses et la frugalité.
A cet égard j’invite le lecteur à découvrir les articles autonomie et vertus ainsi que Autonomie et Convilialisme.
L’homme moderne doit revenir à des ancrages communautaires et non communautaristes permettant au camp des « gens de peu » qui est celui de la liberté, du mouvement, de l’ouverture d’esprit, de la solidarité ( ce qui n’exclut par les combines, les embrouilles, et surtout « les mille moyens de ne pas gagner sa vie ) de se confronter aux élites citadines et vice versa. Cela passe par un retour au pays natal et si celui ci est absent par une redécouverte d’un mode de vie hors des banlieues et des métropoles; par des organisations politiques territoriales et productives de proximité, avec des formes de désignations innovantes.
Un vaste chantier certes que nous allons explorer dans de prochains articles.
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bravo
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