« Seul, dans sa fragilité, le verbe peut rassembler la foule des hommes pour que le déferlement de la violence se transforme en reconstruction conviviale. » Ivan ILLICH
Le terme de société conviviale fait référence, bien sûr, au célèbre ouvrage d’Ivan Illich, La convivialité (1973). Cet ouvrage a été, au début des années 1970, l’un des textes les plus largement diffusés parmi ceux qui incitaient alors à une révision complète des modes d’organisation de nos sociétés. Ils avaient alerté l’opinion publique sur le fait que les évolutions mondiales en cours nous entraînaient vers une catastrophe et qu’il était grand temps d’entreprendre des changements radicaux. Puis, pendant une quarantaine d’années, les analyses et les appels lancés par ces divers livres sont restés sans véritable écho, comme si leurs sombres prophéties avaient été conjurées pour toujours.
Mais il faut se rendre à l’évidence : aucune des difficultés redoutables annoncées n’a été véritablement surmontée, aucun des problèmes résolus. Or les échéances se font de plus en plus pressantes. Il faut donc rouvrir à nouveaux frais la discussion engagée par Ivan Illich et se demander comment fabriquer une société plus vivable, plus conviviale en cessant de placer une confiance absolue dans les grands appareils techniques de la modernité – de moins en moins efficaces et conviviaux, de plus en plus contreproductifs – et en se déprenant de l’espoir que la croissance économique puisse résoudre miraculeusement tous nos problèmes. Pour avancer dans ce débat, il faut, plus précisément, se mettre en position d’extirper les trois échardes qui s’enfoncent profondément dans la chair de nos sociétés et engendrent de plus en plus de souffrance sans qu’on sache trop bien – comme c’est le cas avec les échardes – d’où elles proviennent : – un fonctionnement exclusivement centré sur l’efficacité utilitariste ; – la focalisation sur une croissance qui met en péril la nature ; – et une chosification marchandisation généralisée qui rend nos sociétés inhumaines.
Concepts clés développés dans son ouvrage La convivialité, Ivan Illich définit plusieurs concepts qui sont pour la plupart passés dans le vocabulaire courant. Les concepts développés sont à la base de son argumentation et leurs définitions même fondent le radicalisme de l’auteur.
Dans La convivialité, Ivan Illich remet en cause la société industrielle et son impact sur l’humain. Cependant, l’auteur ne donne pas de définition précise de ce terme. On peut néanmoins en trouver une définition dans le dictionnaire des notions philosophiques qui décrit la société industrielle comme un « type de société qui, à partir du milieu du XVIII° siècle et au cours du XIX° siècle, s’est constitué en Europe à la faveur de la « révolution industrielle ». Supplantant d’abord en Angleterre, puis en France et dans tout l’Occident, la société traditionnelle (rurale, paysanne et artisanale), la société industrielle se caractérise par le machinisme (emploi systématique des machines dans la production économique, en remplacement de la force musculaire), la tendance à la production croissante (« reproduction élargie » du capital, K. Marx), l’urbanisation (explosion démographique et dépendance de la campagne par rapport à la ville),l’internationalisation du marché, etc » .
Une société conviviale est « une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil » . Ivan Illich précise qu’il emprunte le terme de convivialité à Brillat-Savarin qui l’utilisa dans sa Physiologie du goût : Méditations sur la gastronomie transcendantale. Dans l’acceptation que l’auteur donne au terme, « c’est l’outil qui est convivial et non l’homme » . Ivan Illich utilise une définition très large de la notion d’outil. Il emploie donc le terme d’outil au sens « d’instrument ou de moyen, soit qu’il soit né de l’activité fabricatrice, organisatrice ou rationalisant de l’homme, soit que, tel le silex préhistorique, il soit simplement approprié par la main pour réaliser une tâche spécifique, c’est à dire mis au service d’une intentionnalité » . Outil convivial : « L’outil est convivial dans la mesure où chacun peut l’utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire, à des fins qu’il détermine lui-même. L’usage que chacun en fait n’empiète pas sur la liberté d’autrui d’en faire autant. Personne n’a besoin d’un diplôme pour s’en servir; on peut le prendre ou non. Entre l’homme et le monde, il est conducteur de sens, traducteur d’intentionnalité ». « L’homme qui trouve sa joie et son équilibre dans l’emploi de l’outil convivial […est] austère. […] L’austérité n’a pas vertu d’isolation ou de clôture sur soi.
Thomas définit l’austérité comme une vertu qui n’exclut pas tous les plaisirs, mais seulement ceux qui dégradent la relation personnelle. L’austérité fait partie d’une vertu plus fragile qui la dépasse et qui l’englobe : c’est la joie, l’eutrapelia, l’amitié ».
On a trop oublié que le principal champion et théoricien des Droits de l’homme a été, à la fin du XVIIIe siècle, le publiciste anglais Thomas Paine. En 1797, il dédie au Directoire un libelle, La justice agraire, dont l’argumentation générale, remarquable, reste malheureusement plus actuelle que jamais. Se demandant, pour commencer, si « l’état de société qu’on intitule orgueilleusement, et peut-être indûment la civilisation, a augmenté ou diminué le bonheur de la race humaine en général », il conclut que la question politique première, à laquelle toutes les autres sont subordonnées, est de savoir comment rendre l’état de société et de civilisation préférable à l’état de nature aux yeux de la grande majorité des êtres humains alors que c’est actuellement, écrit-il, la situation inverse qui prévaut. Qui peut douter que ce sera là, également, la question première du XXIe siècle : comment éviter qu’une partie de l’humanité, rendue d’autant plus pauvre que l’autre sera toujours plus riche, ne préfère systématiquement « l’état de nature », autrement dit la guerre de tous contre tous, à l’état de société ? Et le risque qu’il en soit ainsi sera d’autant plus grand si l’état de société devait se révéler n’être lui-même qu’une autre forme d’état de nature et de guerre, la guerre économique et financière de tous contre tous.
Au-delà des multiples réponses particulières possibles à ce défi, il importe d’appréhender le problème ainsi posé à notre espèce dans sa plus grande généralité. Il réside très probablement dans le fait que les fondements conceptuels et imaginaires de notre conception héritée de la démocratie se révèlent de plus en plus inadaptés à l’échelle et au rythme du monde globalisé. Pour le dire d’un mot, ces fondements sont de type utilitariste individualiste, tout entier organisés à partir de la question : « À quoi ça (me) sert ? ».
Dans cette optique, la démocratie est vue comme le fruit d’une libre association entre des individus mutuellement indifférents, cherchant chacun à maximiser son avantage individuel. Le but en est la recherche du plus grand bonheur du plus grand nombre, et le moyen la croissance économique. Le moyen, le couplage d’une économie de marché capitaliste et d’une démocratie parlementaire représentative. C’est ce couplage qui, depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 est supposé devoir s’imposer à tous les pays du monde, plus ou moins spontanément ou par contrainte car, en tout état de cause, en l’absence de toute autre forme d’organisation sociale plausible, il incarnerait le fin mot de l’Histoire.
Cette interprétation utilitariste de la démocratie, aussi estimable qu’elle soit à divers égards, ne peut cependant pas être à la hauteur des enjeux du XXIe siècle pour au moins trois séries de raisons principales :
1) À mesure que l’idéal démocratique se mondialise et s’universalise, il rend de plus en plus insupportables l’inégalité et la dissymétrie entre les occidentaux et les autres pays, nations, cultures ou civilisations. Ce n’est pas seulement le désir d’une égale prospérité matérielle qui va alors s’affirmer avec toujours plus de force, mais aussi, mais surtout celui d’une reconnaissance de la dignité de tous les peuples et de toutes les cultures. Sans elle, on n’évitera pas la guerre de tous contre tous.
2) L’acceptation générale de la démocratie de marché après la Seconde Guerre mondiale a été largement conditionnée par une croissance économique sans précédent qui offrait à tous la perspective d’une mobilité sociale ascendante et donc d’une amélioration inouïe de leur condition matérielle et sociale. Or, en Occident, les ressorts de cette forte croissance sont désormais brisés. La question, redoutable, qui va se poser avec désormais toujours plus d’acuité sera de savoir si l’idéal régulateur démocratique va pouvoir y rester vivace en présence d’une croissance faible ou quasi nulle.
Enfin, tout le monde voit bien que, là où la dynamique de la croissance reste encore puissante, dans les BRIC et les pays émergents, rien n’assure qu’elle sera un facteur de démocratisation effective et pérenne. Et surtout, tout porte à croire qu’elle ne sera possible qu’un temps relativement bref, au prix d’une dégradation dramatique et irréversible de l’écosphère. On le sait, il faudrait plusieurs planètes pour rendre possible l’universalisation du standard occidental d’organisation de la production et de la consommation. Toutes ces considérations peuvent se résumer en une question dramatiquement simple : l’espoir utilitariste porté par l’Occident depuis des siècles aura été celui d’un dépassement du conflit entre les hommes par l’accroissement de la prospérité matérielle de tous. Une telle croissance sans limites devient désormais de plus en plus problématique : saurons-nous, en l’absence d’une croissance infinie, trouver les moyens de vivre ensemble, démocratiquement et d’une vie digne, sans nous massacrer les uns les autres ?
Que pourrait donc signifier le projet de trouver à la démocratie des fondements non ou anti-utilitaristes, appuyés sur l’idée que, bien sûr, les considérations utilitaires sont d’une extrême importance, mais que tout aussi ou plus important encore pour les êtres humains est l’exigence que leur vie fasse sens ? La source d’inspiration principale ici est à rechercher dans ce qui reste la plus grande œuvre anthropologique du XXe siècle, l’Essai sur le don (1924), de Marcel Mauss, l’héritier intellectuel d’Émile Durkheim fondateur de l’École sociologique française. Dans ce texte qui rassemble tout le savoir ethnologique de son temps, Mauss établit que les sociétés archaïques ne reposaient nullement sur des fondements utilitaristes, le marché ou le troc, l’achat, la vente ou le contrat mais sur ce qu’il appelle la triple obligation de donner, recevoir et rendre. Sur l’obligation, autrement dit, de rivaliser de superbe et de générosité pour être reconnu comme pleinement humain. Ce qu’expose Mauss est donc une conception politique du don, et réciproquement. Le don – et mieux vaudrait d’ailleurs dire le défi du don – est cet opérateur paradoxal qui permet aux guerriers de transformer les ennemis en alliés, de passer de la guerre à la paix, donc, et complémentairement, via le don des femmes et des enfants, de nouer alliance également avec les générations passées et futures, passant ainsi de la mort et de la stérilité à la vie et à la créativité .Si le don à cette vertu pacificatrice, c’est parce qu’il symbolise la reconnaissance que les hommes en conflit se donnent de leur valeur humaine réciproque. Il affirme qu’avant même de pouvoir commencer à produire et à échanger des biens matériels utiles, il faut commencer par faire la paix en s’accordant mutuellement une reconnaissance première inconditionnelle. Dans le cadre des petites sociétés, cette reconnaissance par le don a d’abord été obtenue dans le registre de l’interconnaissance personnelle. Elle s’est ensuite déployée au sein de grandes sociétés dans le cadre des grandes religions-mondes et/ou dans celui des nations. Il faut désormais, à l’échelle de la très grande société-monde qui s’esquisse, la mettre en œuvre entre les nations, les cultures et les religions.
C’est ce que devra apprendre à faire une idéologie politique d’un nouveau type qu’il est possible d’identifier par provision sous l’étiquette de convivialisme. Libéralisme, socialisme ou communisme, ou même anarchisme auront été autant de modalités d’une philosophie politique utilitariste tenant la croissance indéfinie de la prospérité matérielle pour l’alpha et l’oméga, pour la réponse par excellence à l’aspiration démocratique. Le convivialisme, qui hérite de tous les acquis de ces grandes idéologies politiques des XVIIIe et XIXe siècles (et, plus largement, de l’éthique de base de toutes les grandes religions), pose la question de savoir comment bien vivre ensemble et comment bâtir une ou des démocraties dans le monde entier même s’il n’y a pas ou plus de croissance économique mondiale continue. Il s’affronte donc directement à la question cruciale de notre temps qui est celle des moyens de lutter contre la démesure, l’hubris : comment l’humanité peut-elle apprendre à s’autolimiter ? Ici aussi, de multiples réponses interdépendantes sont à envisager. Mais la direction générale doit nécessairement être la suivante. Le principe de base du convivialisme consiste dans l’affirmation de la commune humanité et de la commune socialité de tous les êtres humains. La prise au sérieux de ce principe, qui excède et précède toute considération utilitariste, implique la subordination de toute mesure politique au respect prioritaire de la dignité humaine, matérielle et morale. Ce principe de commune humanité a deux corrélats nécessaires, visant à éviter que certains ne tombent dans un état de sous-humanité, premier corrélat, et que d’autres, second corrélat, n’aspirent à basculer dans un état de supra-humanité. Ces deux corrélats sont à décliner tant à l’intérieur de chaque État qu’à l’échelon de la planète. Concrètement, le premier corrélat rejoint la proposition qu’avait développée Thomas Paine dans son libelle. Le seul moyen, écrivait il, de convertir l’immense majorité des humains à la certitude que la civilisation est préférable à l’état de nature est de leur accorder inconditionnellement un revenu minimum leur permettant d’échapper à la misère. Généralisons : dans la société conviviale qu’il revient au XXIe siècle d’édifier de toute urgence, la source première de la légitimité des États et des gouvernements résidera dans leur capacité à assurer effectivement à tous leurs citoyens les conditions matérielles d’existence de base, proportionnées à la situation générale du pays, quelles que soient leur race, leur religion ou leurs croyances. Symétriquement, la première mesure à prendre pour lutter contre l’esprit de démesure qui s’est abattu sur le monde depuis ces vingt ou trente dernières années est de poser qu’aucun être humain n’est autorisé à jouir de richesses potentiellement infinies. Car les trop pauvres comme les trop riches ne peuvent assurément pas former société commune en participant d’une commune humanité. Ce propos n’est en lui-même porteur d’aucun égalitarisme radical ou dogmatique. C’est au débat démocratique qu’il appartiendra de déterminer quel est l’écart de richesse et de revenu désirable et acceptable. Mais il suffit de constater que l’écart de revenu entre les cent patrons américains les mieux payés et leurs salariés de base a été multiplié par vingt-cinq depuis 1970 pour se convaincre qu’il y a de la marge. Posons donc que, pour les pays occidentaux, le retour le plus rapide possible aux normes de répartition des revenus qui prévalaient encore dans les années 1970 doit désormais devenir une priorité absolue.
On le pressent, c’est à un gigantesque rééquilibrage planétaire qu’il va falloir rapidement procéder : entre Humanité et Nature, entre riches et pauvres de l’Occident, entre monde occidental et non occidental. Rien de tout cela ne sera possible sans un accord universalisable sur les normes d’une juste distribution des ressources. Concluons que si l’humanité acceptait de prendre résolument au sérieux l’affirmation du principe inconditionnel de commune humanité et ses corrélats : l’institution conjointe d’un revenu minimum et d’un revenu maximum, la mise en place d’un véritable programme d’éradication planétaire de l’extrême pauvreté et l’ouverture multipolaire des institutions internationales, alors elle se donnerait de vraies chances d’éviter la double catastrophe qui la guette à brève échéance : celle d’une dégradation dramatique et irréversible de l’environnement naturel et celle du déchaînement de la guerre de tous contre tous.
Il faut amener les enfants dans les salons d’art contemporain ils seront aux anges.
D’un côté ils verront de l’art-anal c’ est a dire de l art au stade anal, de l ‘art de trou du cul, de jean- foutre, fait de doigts d’honneur , de collages provocateurs ( oh les rebelles à 5000 euros en pantalon Gucci) , d’hologrammes coquins ( que c’est frais) , de quoi réjouir les enfants pubères et le bourgeois en mal de révolte .
De l autre côté des Mickeys, des Mini, des Snoopy, des ballons de toutes les couleurs, des Barbies maltraités, des bonbons criards des marques LVMH, Hermès, Vuitton, Gucci… qui viennent nous interpellés sur notre rapport au luxe, à la consommation, mais il faut tout de même débourser 10000euros pour faire amende honorable; cela plaira au pré pubère assurément.
Le ravi de la crèche Jeff Koons
Ne pas oublier qu’il proposa d’offrir à Paris une sculpture en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 . Comment un Bouquet de tulipes, dont il a déjà réalisé cinq exemplaires, marquerait il la mémoire d’un événement sans précédent, nié ainsi dans son horrible unicité ? Alors qu’une œuvre mémorielle aurait exigé à l’artiste de s’effacer, c’est la « marque Koons » que son clinquant et sa démesure (douze mètres, 33 tonnes) valorisent. À supposer que cet empilement de marshmallows embrochés aux couleurs métalliques soit bien un bouquet de tulipes, l’œuvre montre son innocuité symbolique puisque, dans le langage des fleurs, la tulipe n’a rien à voir avec la mort, le deuil, la mémoire.
Comble de cynisme, les ultra riches se disputent ses imitations agrandies de camelotes de la production de masse. Celles mêmes qui sont d’ordinaire réservées aux classes populaires qu’ils écrasent.
Il est tout de même des créateurs dans ces salons qui persistent à faire des gribouillis, d’autres à reproduire des scènes » new-yorkaises », d’autres encore qui mettent des taches de couleurs au gré de leurs épilepsie.
Et puis il demeure toujours un artiste perdu dans ce cloaque qui propose une relecture moderne de l histoire de l art, qui montre une volonté humaniste de créer du beau, de l ‘émotion.
Mais cet artiste ne reviendra pas car il est perdu au milieu du pipi caca de l’hard contemporain.
Proposer un projet d’autonomie c’est d’abord reconnaître que l’autonomie n’est pas accomplie. Sans doute l’autonomie n’est pas à envisager comme un état à atteindre mais relève-t-elle d’un mouvement permanent. Il s’agit de dénoncer le caractère métronomique, il faut jouer là sur l’étymologie : nomos c’est la loi, auto c’est soi-même. Donc autonomie c’est : je pose moi-même la loi et hétéronomie, c’est que la loi vient d’un autre. Parler du projet d’autonomie c’est signaler que l’autonomie n’est pas véritablement accomplie et c’est aussi faire le constat de l’hétéronomie, c’est-à-dire faire le constat que les individus n’ont en général pas de prise sur leur vie réelle et que si la démocratie, c’est comme l’étymologie aussi l’indique le kratos du demos, c’est-à-dire le pouvoir du peuple, alors il faut reconnaître que nous ne vivons pas dans une démocratie mais dans ce que nomme aujourd’hui une oligarchie libérale. Le terme de démocratie peut être pris aujourd’hui à des sens multiples si bien que certains pensent qu’il n’a plus véritablement de sens. Parler du projet d’autonomie c’est aussi affirmer le désir que cette situation d’hétéronomie, de non-autonomie cesse puisque ce que nous voulons, c’est réclamer l’autonomie. Donc nous reconnaissons que la liberté est quelque chose que nous voulons vivre et pas seulement écrire comme étant un droit que l’on pourrait considérer comme un droit fondamental.
Mais est ce que seule une pratique collective est en mesure de satisfaire ce désir puisque l’homme est un animal politique ou faut-il d’envisager la liberté uniquement de manière individuelle et de cultiver son jardin. Rappeler d ‘emblée que l’homme est un animal politique, c’est signaler ou rappeler aussi qu’il est vain de penser l’homme hors de la société et qu’il est vain aussi de considérer que la société ne serait qu’une sorte d’agrégation d’éléments séparés, que la société serait comme les libéraux voudraient nous le faire croire, une sorte de production des interactions entre des individus qui existeraient indépendamment de la société. Il convient donc de s’opposer à cette doxa, cette idéologie libérale qui n’hésite pas encore une fois à affirmer que la société est la production des interactions entre individus qui existeraient indépendamment d’elle et qui auraient des caractéristiques quasiment naturelles. On voit bien que la société en général impose ses valeurs et en principe fait en sorte que ses valeurs ne soient jamais mises en question. Toute société est historique parce qu’elle évolue, de sorte que parler de société seulement fait problème, et Castoriadis parle plutôt de social-historique.
Social-historique, c’est un concept que Castoriadis a forgé pour expliquer qu’une société est toujours en évolution et qu’il n’y a d’histoire qu’à travers la société. Donc l’histoire véritable, c’est une histoire qui implique les hommes et les actions des individus. Le terme social-historique veut simplement signifier ce qu’on appelle ordinairement société mais il met en avant l’idée d’évolution toujours réelle de la société. Ce qu’il faut en effet percevoir, c’est que nous sommes en général, aliénés aux représentations que la société nous impose : les valeurs de la société sont posées comme allant de soi et ne sont pas remises en question. Mais avant d’en venir là, je voudrais insister sur l’importance de ces significations qui sont là pour masquer ce que Castoriadis appelle l’Abîme ou le Chaos.
Un moment de décisif, Kairos, est en train de se produire, une décomposition, un délabrement de nos valeurs instituées et de nos significations imaginaires.
Ce basculement s’est déjà produit dans le social-historique, la démocratie athénienne, le christianisme, les lumières .
Plus près de nous Lorsque la révolution française institue un imaginaire radicalement diffèrent fondé sur des valeurs telles que la Loi, l égalité, la citoyenneté sous tendue par des pratiques culturelles et artistiques radicalement nouvelles de celles de l ancien régime.
Il en va de même avec le triomphe du libéralisme et du capitalisme qui s’appuie sur des créations de valeurs telles que l’individu, le progrès via une expansion illimitée , un règne de la techno science, une division du travail, la démocratie qui institue un nouveau social historique.
Cela à donc déjà eut lieu, comme le déclin des civilisations, mais comme cette transformation radicale se déroule sous nos yeux et que nous y participons il nous emble qu’il ne s’agit que de déplacements ou d’évolution, le même mais diffèrent.
Dans la formule le monde d’avant et d’après il y quelque chose de juste, la possibilité d’un avant et d’un après ; mais ce qui est faux c’est que le Monde lui au mieux ne change pas sur ce qui le fondre entant qu’imaginaire institué ( le libéralisme capitaliste) au pire et ce n’est pas dit un autre monde émerge trans humaniste, institué sur les valeurs Woke et la Cancel culture, et le monde humaniste s’éteint.
Nous assistons a cela médusé car les forces idéologiques a l’œuvre sont immenses et diffuses et il nous reste la croyance que cela n’est qu’une mutation vers une société progressiste, plus verte.
Mais s’il ne s’agit pas d’un avatar mais d’une radicalité nouvelle qui s’institue il faut tenter d’y répondre
De fait il y a émergence de quelque chose qui n’est pas explicable. On peut dire par contre où ça s’est passé. Ça s’est passé peut-être de manière informelle, insidieuse et partielle dans certains endroits du monde, mais ça s’est passé de manière explicite en Grèce, 6 siècles avant Jésus- Christ où là, pour la première fois, pendant ce moment qui a commencé à la fin du VIIIe et qui s’est affirmé avec force jusqu’au Ve siècle avant Jésus-Christ, on a pu avoir une mise en cause des valeurs que la société propose et qui s’exprime, nous dit comme une sorte de rupture du sens. Ce qui allait de soi n’allait plus de soi. Cette rupture de la clôture du sens s’exprime par la création de la politique et de la philosophie. Cette vision tragique, on peut la voir s’exprimer de manière très très forte dans l’épopée homérique : quand Ulysse redescend au royaume des morts, il voit Achille qui est roi au royaume des morts mais Achille dit à Ulysse qu’il préfèrerait être esclave chez un petit fermier que roi au royaume des morts. C’est l’idée qu’au-delà de la vie, il n’y a rien à attendre. Cette vision des choses a une traduction philosophique dans le questionnement sur l’Être et qui pose que l’Être n’est pas un ordre.
Le monde en lui-même, c’est l’hubris, c’est la démesure, c’est l’au-delà de l’ordre justement et c’est l’institution humaine, la politique donc, qui s’interroge sur quelle institution est la meilleure, en tout cas c’est l’institution humaine qui vient ordonner ce qui est en soi chaotique. Donc on a une vision ontologique d’un monde qui est profondément tragique et qui pose que les institutions humaines sont là pour donner un ordre à quelque chose qui n’en a pas en soi.
Apparu dans l’antiquité grecque et, particulièrement, dans la démocratie athénienne, reformulé et enrichi, après une longue éclipse, à partir de la Renaissance et dans le mouvement des Lumières, le projet d’autonomie, affirmait Cornelius Castoriadis il y a quarante ans, est « une plante historique à la fois vivace et fragile ». Au vu des risques contemporains qui planent sur le projet d’autonomie, il importe plus que jamais de prêter attention aux processus qui conduisent les sociétés à se dessaisir de leur capacité à se donner leurs propres lois.
il est urgent de se souvenir que « ce sont les hommes qui font leur propre histoire », que l’état du monde résulte de leur action et non pas de forces économiques ou naturelles sur lesquelles ils n’auraient aucune prise, et que seule leur action, encore et toujours, peut changer la situation dans un sens désirable.
Rappelons l’étymologie – non contestée – du mot autonomie ; il provient de deux mots grecs : auto, « soi-même », et nomos, « loi » ou « règle ».
L’autonomie, exprimant la capacité des êtres humains à raisonner en conscience, à faire preuve de réflexivité et à s’autodéterminer, peut constituer la base d’une nouvelle étape démocratique. Tel est l’avis de David Held, qui consacre l’avant-dernier chapitre de son ouvrage Models of Democracy à l’autonomie démocratique, et définit ainsi le principe d’autonomie qui devrait, selon lui, être considéré comme le fondement de la démocratie . Cornelius Castoriadis va beaucoup plus loin et fait de l’autonomie le cœur d’un projet révolutionnaire qui remet totalement en cause le pouvoir et vise à « l’auto-institution explicite de la société par l’activité collective, lucide et démocratique » . Le projet d’autonomie tel qu’il le conçoit implique de façon circulaire les individus, la société et la culture ; c’est un processus de construction culturel fondé sur la paideia, c’est-à-dire sur l’éducation et la socialisation . Il en pose les conditions dans le texte ci-dessous :
« Unvéritable devenir de la sphère publique , une réappropriation du pouvoir par la collectivité, l’abolition de la division du travail politique, la circulation sans entraves de l’information politiquement pertinente, l’abolition de la bureaucratie, la décentralisation la plus extrême des décisions, le principe : pas d’exécution des décisions sans participation à la prise des décisions, la souveraineté des consommateurs, l’autogouvernement des producteurs – accompagnés d’une participation universelle aux décisions engageant la collectivité, et d’une autolimitation. »
L ’autonomie, exprimant la capacité des êtres humains à raisonner en conscience, à faire preuve de réflexivité et à s’autodéterminer, peut constituer la base d’une nouvelle étape démocratique.
Une première interrogation surgit pour réaliser ce projet. Quelle est la nature de la soumission à l autorité ?
Il n’y a pas d’autorité sans obéissance. On parle d’obéissance quand un individu adopte un comportement prescrit par un autre individu perçu comme une source d’autorité. L’individu dominé renonce à sa liberté et donne son consentement à la volonté d’un autre qu’il considère comme supérieur.
C’est Etienne de La Boétie qui au XVI siècle s’est particulièrement intéressé à ce phénomène qu’il a comparé à un processus de » servitude volontaire « .
Dans cet ouvrage, il s’interroge sur le fait que des hommes et des femmes par centaine de milliers se soumettent au pouvoir et à la tyrannie d’un seul. Par ailleurs il s’étonne que les mêmes ou certains des leurs, dans certaines circonstances puissent être prêts à mourir pour la liberté. Il en conclut que le désir de liberté existerait tout aussi bien que le désir de servitude. Alors comment expliquer que la plupart du temps, ils choisissent souvent la soumission à l’autorité.
Eugène Enriquez reprend le discours de La Boetie et pose l’hypothèse que les hommes ne veulent généralement ni la liberté, ni la soumission. Ce qu’ils veulent avant tout c’est » simplement vivre de la manière la plus apaisante « .
Les rapports de force et de compétition qui caractérisent la horde primitive ne constituent pas un idéal de vie. Pour vivre ensemble, les hommes doivent sortir de la violence primitive ; c’est pour la contenir que selon Freud, ils édictent des lois et des règles auxquelles ils acceptent de se soumettre pour conserver la cohésion du groupe. » Ce faisant, ils ne sont plus assujettis à un pouvoir effrayant (celui du chef de la horde des premiers temps) mais ils se sont condamnés à obéir aux lois qu’ils se sont données et qu’ils ne peuvent enfreindre sous peine d’être exclus de la tribu, c’est à dire voués à une mort certaine. Dans une société civilisée, chacun n’a qu’un but accéder au bonheur ou tout le moins éloigner le malheur et la, souffrance. (Enriquez).
La seconde interrogation concerne la nature de la liberté de l’homme ?
Si les hommes étaient totalement libres, il serait en réalité en rivalité permanente. Chacun cherchant à contraindre l’autre à sa jouissance comme l’a montré Sade. Il faut met de l’ordre » dans la diversité de la vie civile » (Hegel) pour calmer les égocentrismes primitifs.
Finalement c’est le désir d’être en paix avec les autres qui est sans doute à la source de la soumission à un ordre supérieur représenté par l’Etat qui va créer des structures réglementaires permettant une vie sociale durable et stable. Ces structures auront pour fonction de contenir les pulsions archaïques et les angoisses qui y sont associées, c’est à dire en définitive la folie.
Les Hommes estime Enriquez » sont plus infantiles qu’ils ne le pensent « .
Mais cette soumission n’a pas interdit des retournement historiques, des changements majeurs, des révolutions.
Un moment décisif Kairos est en train de se produire, une décomposition, un délabrement de nos valeurs instituées et de nos significations imaginaires
Ce basculement s’est déjà produit dans le social-historique, la démocratie athénienne, le christianisme, les lumières .
Plus près de nous Lorsque la révolution française institue un imaginaire radicalement diffèrent fondé sur des valeurs telles que la Loi, l’égalité, la citoyenneté sous tendue par des pratiques culturelles et artistiques radicalement nouvelles de celles de l ancien régime.
Il en va de même avec le triomphe du libéralisme et du capitalisme qui s’appuie sur des créations de valeurs telles que l’individu, le progrès via une expansion illimitée , un règne de la techno science, une division du travail, la démocratie qui institue un nouveau social historique.
Cela c’est donc déjà produit, comme le déclin des civilisations, mais comme cette transformation radicale se déroule sous nos yeux et que nous y participons il nous semble qu’il ne s’agit que de déplacements ou d’évolutions, le même mais diffèrent.
Dans la formule le monde d’avant et d’après il y quelque chose de juste, la possibilité d’un avant et d’un après ; mais ce qui est faux c’est que le Monde lui au mieux ne change pas sur ce qui le fondre entant qu’imaginaire institué ( le libéralisme capitaliste) au pire et ce n’est pas dit un autre monde émerge trans humaniste, institué sur les valeurs Woke et la Cancel culture, et le monde humaniste s’éteint.
Nous assistons à cela médusé car les forces idéologiques à l’œuvre sont immenses et diffuses et il nous reste la croyance que cela n’est qu’une mutation vers une société progressiste, plus verte.
Mais s’il ne s’agit pas d’un avatar mais d’une radicalité nouvelle qui s’institue il faut tenter d’y répondre
Il est incontestable que l ‘année 2020 fut l’année du Confinement. Les démocraties ont adopté avec enthousiasme ce Transfert de technologie Chinoise ; juste retour des choses il faut bien à notre tour les imiter ( les temps changent).
Mais la compétition fut rude car l ‘année 2020 aurait pu aussi être l ‘année des EPAH ou des Maisons de retraite . En effet des soignants sans masques, sans vaccin avec des citoyens assignés à résidence avec pour seule compagne la COVID c’est une idée digne de Machiavel.
L’année 2021 pourrait être celle des personnes non vaccinées perdant leurs emplois ou celle du Pass Sanitaire qui a su supplanter le Passeport puisqu’on ne voyage plus. Rétablir un titre de circulation à l ‘intérieur du territoire national c’est très fort.
Main non l’année 2021 c’est celle des enfants. En effet cette année il faut protéger les actifs de ces affreux gnomes porteurs sains, c’est trop injuste. Alors mon petit tu vas étouffer sous ton jolie masque customisé; tu vas vivre la magie de Noel en te tenant éloigné pour cette fête de famille de tes grands parents et de tonton Henry qui est asthmatique et enrobé. Tu vas arrêter de vouloir à toute fin ajuster tes lunettes avec ton masque et vivre dorénavant dans un brouillard permanent.
Pour l année 2022 je grand gagnant c’est « nous tous » car suite au variant Beta et Kaka et au relâchement coupable des « gestes barrières » il va nous falloir vivre au gré des saisons de la grippe.
L ‘année 2023 sera celle de la 4eme dose pour tous car la discrimination n’est plus permise.
En 2027, à la veille d’être rééélu , Macron découvre stupéfait que les français à 80% réclame le port du masque à l’intérieur comme à l’extérieur; à 90% que les voyages à l’étranger ne soient autoriser qu’entre juin et septembre; à 52% que les jours impairs les élèves trans et féminins soient en présentiels ( j’adore ce jargon) à l’école, que les jours pairs se soient les garçons; à 94% que sortir de chez soi est dangereux et que de toute façon on ne trouve plus de bornes électriques pour les voitures en état de marche .
Je ne parle pas de running , de jogging ou de trail mais de course à pied. Cette activité qui n’épuise jamais les enfants. La différence tient dans le caractère naturel et ordinaire de ce mode de déplacement singulier.
Sentiment de liberté, d’ivresse ou de fatigue , de lâcher prise , dépassement de soi ou activité physique .
La course à pied qu’elle se pratique en ville , en nature, en loisirs ou en compétition nécessite une volonté de faire autrement. Ne pas faire de la marche, ne pas prendre de vélo ou de voiture et décider de partir avec les moyens du bord pour trottiner le plus longtemps possible. Quelque soit la distance et la vitesse le mécanisme est toujours le même il s’agit de durer, de maintenir un équilibre entre sa volonté et ses capacités physiques.
Cerveau et muscles ne font plus qu’un, volonté et action se combinent, la route est infinie et plus rien à part ce que nous sommes ne dicte notre conduite ou la suite des évènements.
Je ne sais jamais si le plaisir prendra le pas sur l’ennui.
La course à pied se pratique seul ou alors c’est un loisir et c’est très bien.
Seul afin d’inter agir avec soi même car si je cours avec d’autre alors je suis pris dans une aventure, différente, celle de l’attention portée à l’autre.
Je cours et je suis, nous courons est une communion.
Courir au singulier est une joie plus discrète, courir au pluriel une manifestation de partage.
Courir comme un enfant, comme Zatopek, mais c’est toujours une ivresse de non soumission.
Dieu s’est fait sarcophore porteur de chair pour que l’homme devienne pneumatophore porteur d’esprit.
Cette phrase est toute une cosmologie, l’alliance de la chair, ce que nous sommes et de l’esprit ce qu’il nous reste à accomplir. Elle nous dit que Jésus dans la passion fut meurtrie, par la souffrance, dans sa condition humaine mais que l’ homme par la spiritualité peut s’élever dans sa condition humaine et toucher à la création.
Laissons jésus de côté et restons sur la dimension spirituelle.
Une anecdote dis que dieu fut créer par les hommes pour mettre fin à ce questionnement infini que les enfants sont les premier à formuler: pourquoi ? Pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Dieu dans son usage religieux met fin à ce questionnement critique. Parce que dieu le veut, c’est ainsi.
Mais la gnose, l’alliance de l’esprit et de la liberté recherche dans un chemin de connaissance une étude pleine et entière de la création, du chaos, du tohu bohu, de l état du monde tel qu’il est.
Une étude philocalique permettrait sans doute d’approfondir à partir du soi-même les chemins tortueux pour s’élever dans l’ascèse.
Après le premier article très dense peut être faut il par la création tenter de dessiner une autre approche, littéraire, mais dans l’esprit de l enseignement des pères du désert.
Alors essayons ce pari.
De l éclat de ce monde
Un peu de rosée au bord d’un sceau
« Alors Joseph, en possession d’un linceul, descendit Jésus de la croix, l’enveloppa du linceul blanc. Or à cet endroit, au lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et dans ce jardin, un sépulcre ouvert, où personne n’avait encore été mis.
Les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus, virent le sépulcre et la manière dont le corps de Jésus y fut placé. Joseph roula une pierre à l’entrée et s’en alla.
Marie-Madeleine et l’autre Marie était là, assises en face du tombeau ; puis s’en étant retournées, elles préparèrent des aromates et des parfums.
Le premier jour de la semaine elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, lorsqu’il faisait encore obscur : elles virent que la pierre en était ôtée, et, étant entrées elles ne trouvèrent point le corps du seigneur.
Si vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; il est ressuscité ; il n’est point ici : voilà la place où on l’avait mis .
Une longue journée, une nuit de ténèbres, voilà ce qui précède pour ceux qui accompagnèrent le seigneur jusqu’à la croix.
Le Sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le Sabbat ; mais qu’elle fut glacée la nuit où la pierre fut roulée au-devant du sépulcre.
La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point accueillie ; cette pensée accompagnait-elle Marie-Madeleine quand, dans sa nuit, elle prépara les aromates.
Que reste-t-il après les divines heures d’un chemin de lumière s’achevant ainsi, un soir au pied d’une croix ; l’homme crucifié pleure des larmes de sueur et de sang mêlés.
Si rouge, si profondément humain, le sang se répand du corps meurtri- Sur la croix, seul un regard grimaçant entre cette homme et cette femme, témoigne encore d’un amour infini. Mais l’hémoglobine est partout. Comment ne pas baisser les yeux devant la mise à mort qui jette dans les cœurs deux mains traversées par des clous.
La couronne d’épine, le souffle court, les rires sont alentours.
Une beauté dépouillée, nue, est-ce assez pour espérer…
Marie-Madeleine pleure, à genoux, la perte immense d’une chair déchirée qu’elle tenait dans sa main, sur les chemins de l’exil. Elle se souvient en cette nuit de ces mauvaises routes qui meurtrissaient les corps. Il restait là, en ces temps, pour supporter les plaintes.
Qu’elle dû être longue cette aurore à poindre.
A-t-elle sommeillée, peut-être… la chair est faible, le joug bien lourd.
La grande pièce carrée et déserte était plongée dans une demi obscurité. Deux rais de lumière parvenus de la taverne apparaissent le long des montants mal-ajustés de la porte d’entrée. A ses pieds, sept rouleaux.
Marie-Madeleine écoute la nuit, seule puissance qui lui reste et se rend au sépulcre lorsqu’il fait encore obscur.
Elle devance son aurore mais le matin n’est pas levé. Dans l’autre sens elle refait le chemin de la veille vers son bien aimé.
La pierre est roulée, le sépulcre ouvert sur le tombeau.
Saisie, effrayée, elle n’est pas entrée de suite, qui pouffait faire le premier pas dans cette nuit, revoir le linceul.
Elle ne trouve point le corps de l’enseigneur. L’aurore se fait et la nuit cesse, pour Marie-Madeleine il est ressuscité. »
Ce que j’ai vu, je l’avais imaginé, aux détours de visages, longtemps auparavant puis oublié, mis de côté, je n’en crois pas mes yeux. A trente ans j’ai commencé à distinguer que la vie a une fin, qu’il y a deux sortes de réalité. La première commence avec nous et nous tient chaud un certains nombres d’années, parfois jusqu’au bout. Ce qui est rassurant alors c’est que rien ne paraît définitif, joué, inconciliable, distinct, perdu.
Le mal-être, ogre des âmes, figure repoussée dont la rencontre nous fait pâlir vit entouré de nos attentes mais elles ne lui ressemblent pas. La vie est belle faute de…
En l’absence de point elle est compatissante. Et puis le temps passe. On s’applique dès lors à reconnaître ce qui est notre, le territoire imparti, la marge de manœuvre, la ligne d’ombre pointe.
Cette seconde réalité c’est le contour, la topographie exacte de ce qu’il me faut. Il n’y a plus de chose distincte, que des comptes. C’est le moment des pertes, de la cruauté, on est raisonnable.
Mais il importe de reconnaître que le sérieux, celui qui a compris, appris, attend. Il attend le champ des possibles, rien ne peut plus nous être enlevé, hormis un téléphone portable, nous sommes dépouillés, c’est l’absence de cette idée de rencontre merveilleuse qui nous revient parfois, le soir, le jour, toujours en trop et le temps ne semble plus avoir besoin de moi.
Notre oubli est de la réalité, la vie entre le songe et la raison.
Or, la première réalité imagine toujours autre chose que ce quotidien, espère un sens différent que ce que l’on trame. Elle est là, archaïquement présente dans notre chair.
« Chaque matin, sans bruit, elle pense à son père.
Sa promenade, loin de l’éloigner de lui, la retient aux bords des larmes. Tant de beauté, un silence rempli de vie d’oiseaux, d’insectes, fin de l’automne ; l’épaisse couche de feuilles qu’une semaine de vent ininterrompue a rassemblé est en train de voleter doucement.
A l’intérieur de la maison Arsène, son père, est assis devant la fenêtre, il lit. Elle marche lentement avant de se décider à le rejoindre.
« Tu ne vas pas dire, déclare Myriam à son père, que David et Jean sont du même avis ! »
« Je ne veux plus rien raconter » dit Arsène en ne levant pas les yeux dc son livre. – « Eh bien restons en là » conclut Myriam.
Le soir du même Jour Arsène reçu deux nouveaux amis : Xanthou et Isaac.
« Dites-moi, demande Arsène quand ses hôtes furent installés, notre temps est-il celui du plaisir et de la déconvenue ».
« Je n’ignore rien des démons qui t’assiège » répondit Xanthou.
« Pour ma part murmura Isaac je crois qu’il est bon que tu restes éloigné de la grande place et des controverses.
Xanthou reprit : « Arsène tu es riche, sage ; tu possèdes une grande demeure, une fille déjà plus lettrée que les conseillers du clan… que peux-tu attendre de notre visite ! »
– « Tout n’est-il que douleur ? Voilà ce qu’il me faut savoir. Faut-il naître et décliner inexorablement, subir ce que l’on déteste, être séparé de ceux qu’on aime. Ma vie gît dans le mal et n’est que cela ».
« La création est bonne Arsène, elle est consistante, bonne justement dans sa diversité. Elle n’est pas faite d’atomes impermanents, qui se transforment sans arrêt et disparaissent en donnant naissance à d’autres ».
Isaac : « toute parole qui nous est transmise est une parole entendue, elle garde la matrice de celui qui écoute. Je t’écoute Arsène, mon oreille c’est celle d’un laïc, moins attentive aux écrits dogmatiques que celle de Xanthou, moins soucieuse d’une parole unique et rassurante. Je me soucie de cet homme de connaissance, je vois ta figure Arsène. Il faut s’éveiller à notre propre état de conscience, à notre liberté sans limites et cela, même au cœur des périls les plus forts.
« Tu possèdes une double conscience qui contemple dans un regard unique l’absurde et la grâce.
L’absurde ne pourrait être ton malheur, la grâce ne la vois-tu pas chez ta fille.
L’absurde c’est que tu es poussière et que tu retourneras poussière.
La grâce c’est que tu es lumière et que tu retourneras à la lumière. Notre réalité c’est que nous sommes les deux.
Il existe Arsène une connaissance par les livres, que ta bibliothèque est belle ; la rencontre, je suis ton ami ; la présence des autres, vois ta fille, elle est vivifiante. Il existe aussi : une connaissance par le soi-même, le vivant qui est en nous ».
Au dehors Ie vent se lève, il ouvre la fenêtre.
« Ecoute Arsène le vent échappe à toute saisie et s’enracine dans un ailleurs, il est libre. L’homme est Ie souffle, le vent ».
« Mais quel est donc le combat en cette vie » ajouta Arsène. « Mon âme de raison s’unit à un corps vivant, qui a une existence terrestre et je le sens pencher de tout son poids »
« Si je suis ta pensée Arsène rien ne tiendrait. Nos efforts salutaires, et nous en faisons, seraient voués à l’échec. Alors il n’y aurait rien. Tu ne peux raisonner ainsi. Nos souffrances sont nombreuses mais l’esprit est suspendu par sa racine à l’infini, cela je le crois mon ami ».
Au début la présence de ses amis, de sa fille ravivaient tous ses souvenirs heureux ; maintenant Arsène est contraint d’entrer sans préambule en conversation ou de s’en aller, pour que son désarroi ne le fige pas tout à fait. Il parle encore longuement avec sa fille ; il ne semble pas se rapprocher de Myriam mais plutôt se perdre en elle.
Une seule pensée, fugitive, le rassure : la fine silhouette de sa fille dans Ie jardin, cette féerie incandescente. Elle a trouvé le bonheur auprès d’Agios.
« L’oubli n’a par lui-même aucune puissance. Mais il tire sa force de nos négligences ». Ses amis partis, sa fille retournée auprès de son époux, il reprend sa lecture : « Les écritures, ce patrimoine de beauté, ne produit rien de ce qui nous est donné pour notre usage. Elles répriment la démesure et elles corrigent la déraison. Nul ne peut défendre à l’homme de manger ou de faire des enfants, ni de posséder des biens et de les gérer comme il faut. Mais elle nous met en garde de ne point devenir gourmand, d’être l’esclave de ses sens. Nul ne peut nous empêcher de penser à ces choses car elles ont été faites pouf cela. Mais devons nous y penser avec passion, ne plus vivre que par elles ? »
Parmi les passions, les unes sont corporelles, les autres sont psychiques. Les passions corporelles ont leur source dans le corps. Les passions psychiques ont leur source dans les choses extérieures.
L’amour et la tempérance éliminent les unes et les autres. L’amour élimine les passions psychiques. La tempérance élimine les passions corporelles. Bienheureux l’homme qui peut aimer tous les hommes également .
Sommes nous cet homme là murmura Arsène. Il se rappelle les paroles de son père lorsqu’il avait une dizaine d’années. Celui-ci racontait souvent que tout art exige du temps et un long apprentissage ; à l’agriculture nul se se risquerait sans expérience ajoutait il ; ni sans initiation à l’exercice de la médecine. La terre et les malades en souffriraient ; mais pour la plupart des hommes la connaissance de soi, de la vie, des mystères, ces choses si diverses semblent innées ou aisées pour la plupart. Reprenant sa lecture il lit à haute voix : « les fruits de l’homme ne brillent qu’à force d’étude, de temps, de persévérance, d’endurance et de patience ».
Arsène pose le livre sur ses genoux, ferme les yeux.
Les lumières appartiennent aujourd’hui à notre patrimoine ; quand on s’échappe elles nous saisissent encore par le droit, la technique…
La raison, la connaissance sensible ne cesse de m’assaillir. Je veux retrouver un souffle. Mon quotidien me détrompe. J’attends le bonheur là où je prends du plaisir ; je souhaite vivre l’essentiel et me perds en conjecture sur le sens de toute chose.
Je recherche une sorte de sagesse, comme tout le monde, et mène une vie sans conduite.
Arsène se réveilla au petit jour, le livre à ses pieds. Sa fille ne viendra pas aujourd’hui. Il pourra prier plus longtemps pour l’âme de sa défunte femme. Juste avant l’été il l’avait retrouvé le sang empoisonné par une de ses drogues.
Arsène ferme les yeux et voit son épouse, rien de plus.
Le cœur toujours battant il pense à elle, les mains serrées. On passe simplement d’un néant à la mort. Pour s’inquiéter de la mort encore faut-il vivre, la mort est un luxe, une grâce pour les vivants, le cadeau de ceux qui ont vécu.
Lit tortueux que cette pensée qu’il faudrait chasser.
De nouveau la solitude, l’attente du passeur, le vide.
Assis sur la chaise il regarde de l’autre côté de la fenêtre, à quelques kilomètres, le piton rocheux qui lui fait face.
Il ne reste presque plus rien de son présent, à part son chagrin, bien sûr.
Arsène entend des hurlements terribles.
Par la fenêtre il voit. Que voit-il ?La foule s’acharne sur quelque chose ou sur quelqu’un. Un animal, un homme, une femme ? C’était un vieil homme, car il n’a plus de vie ; la tête décollée est brandie par un partisan de Nani. Voilà il voit ; la folie de la foule, l’horreur des fanatiques, la vie sans épaisseur. Il murmure livide : « Pourquoi ont-ils fait cela ? Quels desseins accomplissent-ils ? »
Maintenant les ténèbres recouvrent tout.
Comment voir dans cette nuit ? Rien ne viendra me secourir.
Au loin, sur la place, à l’aube, la foule reprendra son chemin vers une autre bâtisse, une autre tête en trop.
Arsène pleure, ses larmes lui tiennent chaud.
L’homme est ainsi fait que les secrets qu’il se prodigue à lui-même suffisent à le lier.
Au commencement n’était ni le verbe ni la lumière.
L’eau flibustait la roche minérale, l’au-dessus s’accrochait à l’ici-bas. Puis les flots, la pluie se couchèrent au sol. La pierre jetée face contre terre devint terrienne dressée au cœur du rocher ou marine inondée au lit du torrent.
Noire en son for intérieur la mer apparut bleue en surface.
Arsène se revoit, avec elle, assis sur l’escalier de pierre qui descend à la met : je voyais l’océan se hisser vers l’astre incarnat. La vague blanche au plus haut d’elle semblait bénie. Un sursaut de sauvagerie me fait envier cette éternité. L’une après l’autre, sans crainte d’une mécanique, elles vont jusqu’au bout. L’engrenage se déployait devant mes yeux sans idée de bien ou de mal, dans un présent identique providentiel.
La côte dès lors blesse à peine l’onde passion qui déborde. Plus loin, plus haut, la céleste blancheur s’arrachait à la surface bleue, passait le sable, le port, s’abandonnait à nos pieds.
Je suis sous le vent qui devenu plus fort veut me chasser.
Les ventis ne bougent pas, le vent est fol. Le vent agite l’air et l’homme devient mauvais. De la tête à la voilure la vergue choit, les enfléchures grandissent, la voile ne couvre plus, le marin, homme raisonnable, s’enferme.
Les enfants seuls investissent les rues vides. Chaque branche arrachée est le prix du danger. Ils galopent, se figent, jamais seuls, souvent deux, ils dérobent un vieux panier d’osier.
Devant mes yeux les déferlantes se dressaient et s’esclaffaient à quelques mètres du rivage pour finir frémir jusqu’à l’extrême limite de l’énergie motrice. Dans cette immanité au large dès l’origine le temps fuit irréparable.
Dans le ciel au fil des flots, trois alcyon jouent du reflet du soleil dans nos yeux.
La vie que Je mène à présent, sans elle, est faite d’éparpillement, de mes sens, de la rosée du matin et de ces têtes qu’on arrache.
Comment pourrais-je me retrouver, me recomposer, m’unifier, ne pas me sentir défaillir sous Ie poids des vœux que je formule, du sentiment de manque qui m’assaille. Je suis le sixième jour d’achèvement, mais je reste sans volonté face à la création.
Il convient que Je parte, fuir, redevenir nomade comme mes ancêtres, errant, quitter ma fille et garder les yeux ouverts sur le vaste monde.
Aller chercher ce que j’ai déjà, présent, mais que Je ne reconnais pas. La grenouille ne vient pas détruire le têtard, elle l’accomplit-Ce n’est pas en écrasant la chenille qu’on l’aide à devenir papillon.
Il faut que j’accomplisse, petit à petit, dans ma vie, le passage.
Selon l’adage des anciens, « tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé ». Il faudrait voir les êtres et les choses comme un peu de rosée au bord d’un sceau ; ce peu de gouttes suffiraient à refléter la lumière levant et à ma réjouir. Mais je ne vois que violence, apathie, mélancolie.
Ma seule joie finalement réside dans mes richesses.
Mais chaque matin mon miroir conserve l’empreinte du vide qu’elles représentent.
Que faut-il faire pour être sauvé ?
Arsène ne doutait pas de la réponse, c’est au fond de son cœur qu’elle résidait.
Quand il reprend ses esprits Ie soleil est haut dans le ciel. Il se lève de sa chaise, dans son coeur trois mots sont gravés : fugue — Tace – Quiesce ; fuis, tais-toi, connais le repos.
Il avait déjà la mémoire de ces paroles. Il lui fallait partit loin de la ville, au désert, dans un monde ou la solitude et le silence sont les seules richesses. Oubliant le chemin parcouru il devra s’enfoncer davantage dans le silence, le désert.
Le désert physique se trouve aux frontières de l’espace et du temps, il n’y a rien à voir, à trouver, c’est une bonne place pour la lumière pense-t-il.
Je dois fuir l’essentiel, le monde ou je me perds, pour revenir à la vie, à la joie, partir.
Abraham abandonna sa terre, sa famille pour aller en un lieu qu’il ignorait.
Peut-être cela me donnera-t-il la certitude des réalités que je ne vois pas.
Pour partir point n’est besoin de se charger. Il emporte sa recherche, quelques monnaies, le vieux bâton de son père. Il passe la porte et prend son chemin.
Je doute qu’une braise résume l’inconnu, mais l’immanence des destins apaise notre inquiétude. Le partage plus serein des misères rend peut-être moins étrange les poussières de beauté en nous déposées. La beauté en soi ne s’interprète pas, seul importe les fragments de rencontre à saisir.
Parfois nous sommes comme diminués de vie, nous portons en nous, autour de nous, des limbes de lenteur. Si proche de certains objets naturellement lourds nous y sommes parfois assemblés.
Arsène prend le chemin, il atteint les dernières demeures du village de Thebaïde. Sur la route il croise quelques fellahs qui rentrent du champ. Derniers regards à peine échangés. Quitter ma demeure aux divers domestiques, l’amour de ma fille, mon poste et le savoir, les nombreuses voluptés que mes richesses accordent, voilà le souffle qui conduit mes pas.
Le voilà pris entre ciel et poussière ; il connaît déjà le soleil, il apprendra les nuits glacées. Comme un voleur le voilà prisonnier d’un espace sans limite, d’un paysage abstrait, d’un monde inhospitalier, bientôt le désert.
Arsène marche en direction de l’Est et parvient après plusieurs jours à la limite du désert. Il cherche une hutte, un vieillard y demeure, il se nomme Abba Maroze.
La renommée de l’ancien était grande autre fois. Pour certains c’est un saint, pour les autres un fou, un odieux criminel qui a fui le monde et ses fautes.
Il semble à Arsène qu’il a toujours entendu parler de lui, milles histoires traînent sur son compte.
Son nom sert à effrayer les enfants, il exalte les plus pieux.
Comme une mer de glace Arsène touche au désert.
Le désert occidental de l’Egypte n’est pas de sable mais de sel. Espace minéral et blanc, les vents n’attaquent plus la croute figée de cristal. Une mer figée dans l’éternité fossile des écorces, des ossements, et des arbustes.
Dans un tel monde l’homme est inutile, un étranger total, il n’a nulle place.
Ici c’est l’éternel été, l’interminable hiver qui tranchent les âmes et ensevelis les ombres.
A la pointe du jour Arsène reprend son chemin sans savoir où se situe la hutte qu’il recherche.
Le soleil arrivé en son milieu rend l’air si ardent qu’il semble tout enflammé. Il distingue alors une hutte de banchages.
Arsène frappe à la porte. Nulle réponse. Il sait que les ermites n’ouvrent pas les portes au soleil de midi.
Le soir il frappe à nouveau, la porte reste close. En ce lieu abandonné il est peut être seul, l’Abba sans doute ne vit plus. Alors où aller ? Il se met à considérer cet endroit : des étendues de pierres, quelques palmiers, un peu d’herbe, au loin des mamelons, des collines livrées au soleil.
Il est brûlé par l’atmosphère sans pouvoir anticiper ce qui l’attend. Au loin le sel s’élève par pointes ainsi que des épées, une mer sans espoir. Il tire de sa poche quelques feuilles de choux crus pour les manger et prend un peu de repos à même le sol…
A l’aube du troisième matin la porte de la cabane est ouverte. Un vieillard enveloppé dans un manteau de bête se tient en prière, debout, les bras en croix. Trois longues heures passent, l’ancien regarde par la lucarne, le voit.
Après s’être donné le saint baiser, l’Abba s’étant assis, lui dit rudement : « Pourquoi frappes-tu ? »
Arsène dit : « je viens de la ville, j’ai marché une longue semaine, j’attends depuis trois jours. Je voudrais que tu me gardes à tes côtés ».
L’Abba refuse et l’enjoint de retourner chez lui, auprès de sa fille et de ses richesses : « Ta place n’est pas ici, passe ton chemin, retourne-toi. Que viens-tu chercher
« Je viens pour ne point dormir, être éveillé ; je suis de passage, je viens lutter »
Abba dit : « Lutte et installe toi. La lumière que tu cherches ce n’est pas n’importe qu’elle lumière. Ils sont nombreux ceux qui prennent le chemin, peu trouve la réponse. Il te faut rester à … » il s’interrompit. « En été je mange un peu d’insecte et, en hiver je prends une poignée de pain.
Je ne bois que peu d’eau, du sel, je veille chaque nuit et je prie au soleil ».
Arsène pénétra dans la cabane comme dans un sanctuaire.
Le lendemain il s’installe dans une grotte au creux d’une colline voisine. Il n’a pour toute nourriture que du pain et du sel et pour breuvage de l’eau.
Il a un lit de joncs et un cilice. Il va vivre dans ce sépulcre, fermer la porte sur lui et y demeurer.
A la nuit tombée, chaque jour, Arsène s’assit auprès de l’Abba.
-« Pourquoi Abba, les fils de Dieu sont faits de colère ? » demande un soir Arsène.
-« Parce que l’homme est ténèbres, s’il donne un coup de hache à l’acacia, il émet de la gomme. Mais l’homme est lumière, s’il adresse une prière à son cœur, il recevra le bien », répond l’Abba.
-« Pourquoi Abba faut-il partir au désert pour retrouver le souffle divin ? »
Abba dit : « Tu n’as pas bougé. Depuis toujours tu vis au désert. Tu es du sel et de l’eau. Tu es le vin et le pain. Le désert tu le porte en toi. Les richesses et la vraie gloire s’évanouissent comme le sable sous le vent. Mais dis-moi Arsène se trouve-t-il encore beaucoup d’homme si aveugles d’erreurs qu’ils adorent ces démons ? »
-« Ils sont nombreux Abba. Sur le point d’être réduit en poussière ils construisent des bâtiments de plus en plus haut. Ils se croient jeunes mais la barbe blanche qui couvre leurs cœurs n’attirent que le goût de l’or. L’amour égoïste de soi règne sur les âmes, la charité est devenue une pieuse offense à la raison.
« Ne juge pas trop sévèrement ces hommes. Car l’enseigneur a dit : « tu ne jugeras point ». Il y avait, sais-tu, en Thébaïde un ancien nommé Hélias qui avait près de 90 ans. Des riches hommes de la ville vinrent le voir pour l’amener à la négligence par la longueur de sa solitude. Ils lui dirent : « vieillard, que ferais tu, si tu avais toutes nos richesses « . Il leur répondit : « vous m’avez grandement affligé, car je pensais posséder déjà toutes les richesses ».
Arsène ne juge point avec les yeux ; l’âme seule est une source ; si tu creuses, elle se purifie ; si tu amasses de la terre par-dessus, elle disparaît ».
-« Mais Abba pourquoi m’a-t-il fallu fuir pour trouver la lumière ? Pourquoi le monde est-il mauvais ? »
« Le monde est bon, sensible, ce qui nous condamne ce n’est pas que des pensées entrent en nous, mais que nous en usions mal ; en effet, nous pouvons faire naufrage à cause de nos pensées, et être couronnés à cause de nos pensées. Si tes lèvres sont pures nul rouge ne pourra les gâtées ».
Et puis chaque soir, la nuit venue ils récitaient les douze psaumes, et semblablement jusqu’à l’aube.
Arsène demeure ainsi pendant plusieurs mois sous l’obédience du père.
Un soif, Arsène s’assit auprès de l’Abba. Il sentait sa vue s’obscurcir et sa peau devenir aussi dure que de la pierre ponce.
Les montagnes arides, les gorges, le ouadis, le soleil et le sel, aussi vide que le désert, commençaient à réduire sa force et sa volonté.
-« Père, est-il bien d’habiter le désert ? »
– « Veux-tu que je te dise ce que je sais ? »
Arsène dit oui de la tête.
-« beaucoup ont accablé leur corps sans discernement, et s’en sont allés sans rien posséder. Ma bouche sent mauvais à force de jeunes, nous savons par cœur les écritures, nous connaissons tous les psaumes de David, mais nous ne vivons pas ce que Dieu recherche : l’amour , l’humilité .
Il faut s’appliquer à travailler peu à peu et nous serons sur le bon chemin.
Ecoute : un grand personnage prenait plaisir à voir les chasseurs, et il ne souhaitait qu’une chose, qu’ils soient blessés par les bêtes sauvages. Mais il lui arriva d’être en danger et il cria vers Dieu : « seigneur, viens à mon secours en ce malheur I »
Alors le seigneur lui apparut le corps entièrement couvert de blessures et lui dit :« c’est ainsi que tu veux me voir et comment pourrais je te porter secours Le salut est dans le désert et ailleurs, dans le monde.
-Ne tiens jamais le pire pour assuré, tu es bien plus grand que tu ne le crois .
L’ancien dit encore : « Tout mal qui n’a pas été consommé, n’est pas un mal ; et toute justice qui n’est pas consommée, n’est pas justice. En effet l’homme qui n’a de pensées ni bonne ni mauvaise est semblable à la terre de Sodome qui est salée et ne produit rien de bon.
Le juste fleurira comme le palmier.
L’ancien se leva ; fit une prière et le reconduisit en marchant devant lui jusqu’à la porte tandis qu’Arsène était tourmenté par ses pensées.
L’ancien met la main à la porte pour l’ouvrir, mais comme il vit Arsène si fort tourmenté il se tourna vers lui et dit : « Qu’as-tu ? Moi aussi je suis un homme. »
Lorsque l’Abba prononça cette parole Arsène se prosterna à genoux en le suppliant avec des larmes dans les yeux en disant :« Aie pitié de moi ».
Il lui dit : « qu’as-tu » ?
Arsène reprit : « Tu le sais, pourquoi faut-il le dire » ?
-« C’est toi qui doit dire ce que tu as ».
Couvert de honte Arsène ajoute : « je crois que j’ai fui ma vie pour me fuir moi même, pas pouf rencontrer dieu. J’ai fuis mes tourments, mon secret, je ne suis pas digne de toi.
L’ancicn lui répondit : « Ne suis-je pas un homme moi aussi ? N’y a-t-il pas près d’un an que tu es ici avec ces pensées et que tu ne les sors pas. Dieu n’est pas venu sauver les justes, mais les malheureux.
Arsène se prostcrna devant lui. L’Abba le laissa étendu à ses pieds, se tu un instant et lui dis :« lève toi, sois intelligent ».
L’ Abba s’assit en prière, il tournait Ie dos à Arsène, les mains croisées et le visage tourné vers l’orient.
Au matin, Arsène revint auprès de l’Abba, son corps desséché était sans vie. Sur le sable il était écrit : « Père Arsène, enterrez le corps de votre ami, rendez la poussière à la poussière. N’acquiesce pas à toutes les paroles. Soit lent à croire, prompt à dire la vérité. »
Après avoir enseveli son corps Arsène partit pour le désert. Il marcha un jour
Vers le soir il lui sembla entendre le son affaibli d’une voix qui sortait de la terre. Il chercha l’entrée de la grotte ou du trou et, étant entré, découvrit une petite vieille, une moniale qui était couchée et paraissait malade.
Il lui demanda .« Quand es-tu arrivé ici, mère ? Qui s’occupe de toi ? »
En cffct il ne voyait rien d’autre dans la grotte, qu’elle seule.
« J’ai passé dix huit ans dans cette grotte au désert, à moins d’un jour de marche de mon époux, l’Abba Marose, répondit-elle. Jusqu’à ce jour je n’ai pas vu d’homme. Je sais que mon époux est mort. Dieu t’a envoyé pour ensevelir mon corps ».
Sur ces mots, elle s’endormit à jamais.
Arsène prit le corps dans ses bras et retourna à la cabane. Au matin, il coucha la moniale à côté de l’Abba.
Le revoilà revenu sur ses pas, à la ligne frontière entre les montagnes arides et le désert; Il reprend le chemin de la ville après avoir recouvert de sable les deux corps.
Arsène revint en Thébaïde à la nuit tombée. Son dessein n’était pas clair ; il quittait le désert, la tentation de se réduire jusqu’à ne plus être, pour un ailleurs qu’il ignorait encore.
Pour l’heure il pense à sa fille, à son visage, à ses amis, à toutes les richesses humaines qui lui font défaut.
Il ignorait les dispositions que sa fille avait prise concernant sa maison. Peut-être Hagios l’avait-il cédé, peu importe.
A la vue des premières villas il hâte le pas et se dirige vers la demeure de sa fille et de son époux.
A sa vue les serviteurs de Hagios s’arment de bâton, sortent les chiens.
Dans sa nouvelle physionomie nul ne peut le reconnaître. Il ne les blâmes pas. Le voilà contraint de fuir pour échapper aux morsures cruelles des chiens de garde.
Arsène passe la nuit dehors, une de plus, mais cette fois au bord de la rivière. Le bruit de l’eau qui coule. La nuit est tombée et il plonge ses mains ouvertes dans le courant.
Une douce brûlure parcoure ses bras, cette nuit est une fête, une retrouvaille avec le monde sensible. L’herbe est fraîche, accueillante, un linceul de verdure, un repos presque infini pour ses épaules meurtries.
Le regard porté sur les étoiles, une couche épaisse, le courant de l’eau qui file à ses pieds.
Dieu est au désert mais il ne peut être absent en cet instant. Celui qui veut apprendre un art peine et commet des fautes au début ; je ne me décourage pas, je recommence et même si je gâche de nouveau le travail je n’abandonnerais pas.
Je me souviens de l’Abba. Il disait : « enlève les pensées et personne ne sera saint ». Pourquoi fuir cette tentation utile, celle de la vie, c’est renoncer à la beauté de ce monde.
Mon corps est précieux, nous sommes possédés l’un par l’autre. Je t’ais méprisé, profite de cette herbe verte, repose toi, je veillerais à t’aimer.
Le lendemain qui était un vendredi, Arsène revint aux portes de la demeure de sa fille. Elle était là dans le jardin. Sans attendre elle couru vers lui, dans un même souffle leurs corps se referment l’un sur l’autre.
« Ne dis rien père, laisse moi te mener dans ma demeure. Je savais que tu reviendrais, le jour que tu aurais choisi. Laisse moi te regarder. Tu as du vivre loin des hommes pour être ainsi vêtu. Ne dis rien, tu as le temps, tu es ici chez toi ».
D’autres avaient reconnu Arsène, les chefs de la synagogue, prêtres et lévites se rendirent en hâte chez sa fille.
Celle-ci sortit à leur rencontre et leur dit : « Paix à vous ».
Ils firent écho : « Paix à toi et à ton père, à toute ta maison et à la sienne ». Elle les fit entrer.
Puis, le Conseil prit place et Arsène vint s’asseoir entre sa fille et le rabbi. Mais nul n’osait lui adresser la parole. Alors sa fille dit : « Pourquoi êtes vous venus ? » Ils firent signe à Rathou de lui répondre. Celui-ci ouvrit la bouche et s’adressa à Arsène : « Eh bien, les vénérables docteurs, les prêtres et les lévites aimeraient entendre de toi une parole.
-« Dites moi donc laquelle » ajouta Arsène.
– « As-tu des choses à nous cacher Arsène ? »
Arsène répondit :
-« Je ne vous cacherais rien ».
-« Nous avons été très étonnés que tu partes ainsi, que tu quittes la communauté. La parole de Dieu n’est-elle pas parmi nous ? »
Arsène dit :« Elle est ici, elle court aussi dans le monde. Il faut donc se mettre en quête »
Ces propos inquiétaient les juifs. Ils dirent :« La parole de Dieu est dans les livres, elle sort de nos bouches, le monde est une perdition de l’âme ».
Arsène était dans l’affliction, blessé.
-« La parole de Dieu est puissante. L’homme doit être passant. C’est dans le Cœur de l’homme que s’inscrit la parole divine, pas dans les livres ».
Tandis qu’Arsène parlait de la sorte, un brouhaha parcouru l’assistance.
Alors Arsène regarda dans la direction du sud et dit :« j’ai connu un homme dans le désert, il est mort, la parole de Dieu était en lui ; je témoigne, il s’appelle Abba Maroze ».
Un lévite se leva :« ne parle pas de cet homme, c’est un criminel, Dieu ne saurait le sauver. Le désert était son châtiment ; il fut condamné au désert par la loi de Dieu ».
-« Maroze a été vers Dieu, pourquoi doit-il être tourmenté par ceux dont la face est changeante reprit Arsène.
Il ajouta :« pour tout homme, c’est une grande crainte et une grande douleur que la mort ».
-« la mort ne tourmente que les pêcheurs », énonça le conseil.
-« mourir est la destinée de tout homme, chaque âme ne sort pas du corps sans douleur et sans trouble », dit Arsène.
Malgré ce long temps au désert son corps ne s’était pas affaibli, ses yeux n’avaient pas perdu la lumière ; pas une seule dent ne s’était gâté dans sa bouche. Les derniers propos d’Arsène jetèrent l’assemblée dans un vif émoi.
Très émue sa fille prit la parole : « le commencement de la sagesse n’est-il point d’admirer le réel, comme dit Platon dans le Théctète et selon le propre conseil de Matthieu dans les traditions « admire dit-il, le présent ». Rappelons nous surtout le propos que tient le seigneur « soyez miséricordieux, afin d’obtenir miséricorde ; pardonnez afin d’être pardonnés. Comme vous agissez, ainsi agira t-on avec vous. Comme vous donnerez, on vous donnera. Comme vous Jugez, ainsi on vous jugera. Selon le bien que vous faîtes, on vous fera du bien. De la mesure dont vous mesurerez, on vous mesurera » . Ayant dit tout cela elle se tu.
Le Rabbi reprit :« la nuit commence à tomber, les femmes citent les paroles du seigneur, je crois qu’il est temps de se préparer à partir ».
Il se leva, suivit de sa troupe et se rendit à la synagogue.
Et Arsène, cette première nuit, resta chez sa fille. A l’heure de dormir sa fille vint le trouver.
-« Père, l’espace d’une empreinte de ton pied dans ma maison vaut plus que toutes les richesses de ce monde, voilà ce qui importe ».
Arsène ne trouva pas le sommeil de suite. Le monde n’a guère changer pensait-il. Toujours cette même intransigeance, ce refus de la chair, du monde sensible, de la recherche. Pourquoi venir me voir si c’est pour m’accuser ?
Non décidément rien n’avait changé et comment cela aurait-il pu en être autrement.
A suivre
Quelques réflexions pour refermer provisoirement ce chapitre sur la philocalie et le lien entre cosmologie et autonomie .
Tour d’abord revenons rapidement sur la nature de l’ être.
L’idée de Platon, c’est que le monde est structuré par le Bien et que le Bien c’est le Vrai, et le Juste c’est le Beau. Donc l’Être, indépendant de nous, il est bien, il est le Beau, il est le Vrai, il est le Juste et que si jamais dans le monde il y a du mal, c’est parce que nous l’avons introduit.; la matrice religieuse chrétienne issue de cette pensée tient le monde pour bon et l’homme mauvais, par ses péchés, le gâche d’où la nécessité de maintenir un ordre stable .
Les Grecs ne voyaient pas le monde comme étant en lui-même porteur de beauté, de justice, etc. Le monde en lui-même, c’est l’hubris, c’est la démesure, c’est l’au-delà de l’ordre justement et c’est l’institution humaine, la politique donc, qui s’interroge sur quelle institution est la meilleure, en tout cas c’est l’institution humaine qui vient ordonner ce qui est en soi chaotique. Donc on a une vision ontologique d’un monde qui est profondément tragique et qui pose que les institutions humaines sont là pour donner un ordre à quelque chose qui n’en a pas en soi.
La pensée nietzschéenne tient le monde pour tragique et l’homme n’a que sa raison pour penser le tragique .
Quant à la pensée de gauche révolutionnaire à laquelle je m’associe en partie elle présuppose que le social historique doit être transformé par la praxis d’ hommes autonomes capables de dépasser d’une part la domination qu’ils subissent, d’autre part de garantir le principe d’égalité sans délégation politique et enfin de promouvoir un état de vérité et de justice pour tous .
Mais un projet d’autonomie pour les individus ne peut pas à mon sens reposer sur l’éducation, l’action, la praxis ,l’émancipation par les luttes. La dimension anthropologique nécessite de revenir sur deux dimensions souvent occultées ou disqualifiées : l’imagination et le spirituel.
Il ne s’agit pas pour moi de revenir à la pensée personnaliste des années soixante dix portée par la revue Esprit mais d’approfondir un travail sur les conditions susceptibles de permettre ou favoriser un projet d’autonomie.
L’ imagination doit être vue comme une faculté propre à l’intellect humain à l’égal de l’entendement de la raison. La place accordée par la philosophie à l’imagination créatrice dans le domaine de l’art est significative à cet égard.
Kant par exemple reconnaît le rôle central de l ‘art et le génie de l’imagination en tant que un mode d’être originairement créateur où est littéralement produit des formes inédites à travers l’invention de règles nouvelles.
L’imagination radicale forme ce à partir de quoi surgissent des chaînes et les figures qui conditionne toute représentation et toute pensée .L’imaginaire radical se manifeste sous deux formes ,l’imaginaire social qui crée les significations s’incarne dans le complexe des institutions de la société et l’imagination radicale de l’imagination à l’œuvre dans le « psychisme « humain individuel c’est donc l’imagination entendu comme faculté créatrice.
Mais, l’imagination a toujours été tenu par les philosophies pour une faculté humaine secondaire au mieux instruments utiles à la connaissance dans son effort pour articuler l’expérience et de concept au pire source d’illusions néfastes qui fait passer le faux pour le vrai et brouille les repères entre le réel et l’irréel.
Cette facultée humaine est primordiale car elle permet de penser le Chaos.
Le chaos possède dans le texte d’hésiode une double signification: il désigne d’une part le vide, le néant; d’autre part le désordre ce qui se donne d’emblée sur le mode du mélange. Au premier sens du terme le chaos renvoie à l’idée que le monde émerge du vide c’est à dire du néant que celui-ci est pure émergence en tant qu’il ne peut être considéré comme le produit d’une cause antérieure . Au second sens du mot le chaos signifie que le monde n’est pas intégralement organisé mais repose sur un désordre primordial puisque les formes déterminées qui lui donne la figure d’un cosmos organisé émerge de l’informe et l’indéterminé.
Mais que l’être ne soit pas intégralement déterminée ne signifie pas qu’il soit absolument indéterminable et comme rétif à toute détermination si l’être est à l’origine un chaos une multiplicité désordonnés sans structure il est aussi puissance de détermination créatrice. Le chaos ne constitue donc pas un pur désordre auquel cas il serait impossible d’en dire quelque chose. Il se donne toujours en même temps comme monde de forme organisée. La création est précisément la position de nouvelles déterminations.
Le magma désigne cette façon pour le chaos de s’arracher au désordre intégral ou rien ne fait ni sens ni forme afin de se constituer comme monde sans cette pré ordonnance des choses qui organise ce qui apparaît sous des formes génériques déterminées il ne pourrait exister aucun monde. Dans ces conditions le Magma permet de penser le mode d’être de ce qui n’est pas totalement ordonné ni intégré . C’est à partir de ce chaos initial que peuvent naître des entités nouvelles d’une certaine manière le magma ne se situe pas très loin de ce que Maurice Merleau-Ponty cherche à penser dans « le visible et l’invisible » sous le terme de chair. La chair forme cette texture qui constitue » le milieu formateur de l’objet et du sujet », ce que Merleau-Ponty nomme l’invisible de ce monde celui qui l’ habite le soutien et le rend visible, sa possibilité intérieure et propre , l’Être de cet état ».
Cette chair du monde ouvre à une dimension ontologique des choses
Penser l’être comme auto création c’est à dire comme puissance d’auto altération indéterminée en même temps que déterminante
L’imagination est aujourd’hui considéré comme une faculté de la psyché et la psychanalyse s’est largement appropriée ce terrain d’étude. Mais appartient elle à cette catégorisation ; si oui n’est-elle que cela ? Quels liens entre Imagination et esprit ?
Le lien avec la Philocalie tient notamment à l’interprétation du Noûs .
Le mot a été longtemps traduit par esprit mais alors il y a une confusion avec la traduction du pneuma grec qui est précisément esprit et finalement occultation du sens spécifique du Noûs que l’on peut traduire par intelligence .
Cette traduction est plus fidèle à la tradition , parce que l’intelligence est un terme ambivalent faculté mais aussi activités, il peut s’appliquer à la connaissance du monde comme à la connaissance de Dieu ; ensuite parce que l’ambivalence permet le retournement la métanoïa le repentir ontologique le passage d’une connaissance à l’autre.
L ‘intelligence en grec le noûs cessant de se tourner continuellement vers le monde pour le connaître et l’utiliser jusqu’à la limite du possible se retourne sur elle-même pour se confier par impossible à l’origine du monde ; c’est l’envers silencieux de la philosophie.
Ce qui est dit intelligence c’est l’énergie de cette intelligence suscitée par les beaux raisonnements et les pensées et qui est appelée cœur par la philocalie . Le lieu ou demeure la plus importante de nos puissances intérieures l’intelligence et l’âme douée de raison qui est en nous.
Une fois n ‘est pas coutume je vais chroniquer une émission : Ambition intime.
Une BO digne de l émission « animaux à adopter », bucolique et d’ambiance donne le ton.
Le générique la cover Believe de Madelyn Bailey nous transporte au grand air, dans un pré; cela sent le flirt et le romantisme de » L’ amour est dans le pré ». On s attend à ce que Karine nous dévoile l’ intimité d’une agricultrice et apparaît Marine le Pen.
Tout de suite on voit que c’est intimement mis en scène. Passons c’est le format.
Je n’ai vu que le portrait de Marine Le Pen en entier; le reste du casting c’est au mieux Desperare housewives: Dati a l ambition de Cruella, Pecresse celle de se débotoxsée, et Hidalgo d’exister.
Mais revenons à l ambition affichée, devenir chef de l état, présidente de la République.
Et dès lors cette intimité domestique adossée à cette ambition crée le trouble.
Il va être question de chat, de chat, de chatons, de pot de fleurs, et de sa copine de co-loc.
Une sorte d abîme s’ouvre. Sauf à être le dernier militant de SOS racisme personne ne peut s’étonner que Marine Le Pen soit sympa et humaine, surtout avec les chats.
Mais d’un côté on a la confidente « défilé de mode » aux jambes sans fin et de l autre ça ronronne.
A l’age ou chacun pense à sa retraite et à s’épanouir on découvre devant nos yeux que finalement ce qui nous guette c’ est cet état intime et chaleureux où on change la litière, nettoie le vomit, on bêche, on retourne la terre, on mange les gâteaux préparés par la co-loc dépressive…
Marine tu as raison ne baisse pas les bras ton ambition intime c ‘est de prendre du plaisir à la présidence et de la faire b….. La France ( c est une image, certes violente).
Je passe sur le portrait de Anne Hidalgo que j ai entrevue.
62 ans. 5 pour cent dans les sondages et un retour larmoyant sur son parcours familial d’exil. Toute chose respectable au demeurant mais je crois qu’il faudrait lui dire que nous ne sommes plus en 1936.Son ambition me paraît devoir rester de l’ordre de l’intime.
Son fils qui a l habitude de ramer devrait lui porter secours.
Je ne veux surtout pas faire preuve de sexisme car les trois candidates font le job et j’irais jeter un œil sur l ‘ambition présidentielle intime des mâles.
Résistance est un mot magnifique car sa polysémie permet de l’approcher de multiples manières. on peut résister par les armes, mais aussi passivement , en pleine lumière ou dans l anonymat; Mais résister a tort ou a raison c:est exister. Il y a une grandeur tragique ou héroïque dans cette action mais on ne le sait qu’après .Résister c’est aussi tenir par monts et par vaux coûte que coûte. Mais dans nos sociétés occidentales la résistance est souvent une posture, ou un aveuglement. Alors pour remettre l église au centre du village j ai choisi, une fois n’est pas coutume , de présenter à partir de documents d’archives l ‘itinéraire singulier d’un membre de ma famille à travers ses engagements militants et sa capacité à résister.
Ni heroique, ni arbitraire cet ininéraire parmis bien d’autres rend compte de cet enchevetrement entre engagement politique, répression d’état, bureaucratie et barbarie.
Ce témoignage nous invite à suivre le parcours du militant Hilaire Sartorio, père de Georges Sartorio et oncle de ma Mère Yvette SARTORIO
Hilaire Sartorio, vers 1938, Archives d’Alain Sartorio, petit-fils d’Hilaire Sartorio
Hilaire Sartorio naît le 2 janvier 1899, à Paris 19ème, de Victoire, Marie, Clotilde Morel, une blanchisseuse âgée de trente-sept ans et Emmanuel Sartorio, un fumiste de quatre ans son aîné. Selon les rapports de police, il occupe en 1940 un emploi de chaudronnier à la Compagnie du Gaz de Paris, usine des goudrons et dépôts de coke, au 15 rue de Cambrai, dans le 19e arrondissement. Il a fait la connaissance dans son entreprise de Corentin Cariou, militant syndicaliste et conseiller municipal communiste du 19e arrondissement, avec lequel il s’est lié d’amitié.
Le 6 décembre 1940, il est arrêté sur son lieu de travail par la police française, avec 8 autres militants et interné au Centre de Séjour Surveillé d’Aincourt. La liste des renseignements généraux informant le directeur du CSS d’Aincourt, sur les activités militantes des communistes arrêtés le 6 décembre 1940, le décrit comme « chaudronnier à la compagnie du gaz de Paris, ami intime de l’ex conseiller municipal Corentin Cariou. Meneur très actif. Principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la société du gaz. Domicilié, 28 rue de Poitou au Vert-Galant (Seine-et-Oise). »
Roger Langeron, préfet de Police de Paris, décide l’arrestation d’Hilaire Sartorio et de ses camarades, au titre de la Loi du 3 septembre 1940, loi qui prolonge le décret du 18 novembre 1939, autorisant les préfets à décider l’assignation à résidence, dans un centre de séjour surveillé, des « individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique. »
Domicilié au 28 rue de Poitou à Tremblay-lès-Gonesse, en Seine-et-Oise, Hilaire Sartorio ne relève pas de l’autorité du préfet de police de Paris, mais de celle du préfet de son département de résidence. Sans doute jaloux de ses prérogatives, celui-ci adresse, à son collègue de la Seine, une lettre datée du 14 février 1941. Il propose au préfet de police un subterfuge administratif plutôt ridicule qui restera sans effet. Évoquant le cas des pensionnaires du CSS d’Incourt domiciliés dans son département, il conteste leur arrestations entachée d’irrégularité : « il me paraît anormal qu’ils fassent l’objet d’arrêtés d’internement pris par vos soins, et c’est la raison pour laquelle je serais désireux de régulariser cette situation. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir prendre des arrêtés d’élargissement, qui resteraient théoriques, n’étant suivis d’aucun effet, et que je complèterais immédiatement à la même date par des arrêtés d’internement signés par moi-même. » Mesure, contre mesure et retour à la situation initiale, Gribouille aurait pu être le signataire de la lettre préfectorale du 14 février. .
Le 6 septembre 1941, Hilaire Sartorio est transféré au CSS de Rouillé, en compagnie de 149 internés d’Aincourt. Situé dans la Vienne, le camp d’internement de Rouillé a été ouvert le 6 septembre 1941, pour recevoir les 150 internés politiques de la région parisienne, syndicalistes ou membres du parti communiste, internés depuis le 5 octobre 1940.
Le 22 juin 1941, l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht modifie profondément la position de l’appareil communiste. La prudence commandée par l’existence du pacte germano-soviétique n’est plus de mise et le parti opte résolument pour le sabotage et la lutte armée. L’appui apporté par Winston Churchill à l’Union Soviétique change le discours sur la guerre qui n’est plus présentée comme une guerre impérialiste, mais comme une guerre antifasciste. Désormais, il est possible de travailler avec les gaullistes alliés de l’Angleterre, tout l’appareil du Parti entre dans la lutte contre le nazisme.
À partir de septembre 1941, des otages, communistes dans leur très grande majorité, sont fusillés en nombre grandissant, après chaque nouvel attentat. Les représailles deviennent massives à partir d’octobre 1941. Au début de décembre 1941, le général Otto von Stülpnagel, commandant des troupes d’occupation et chef de l’administration militaire allemande en France, propose à ses supérieurs de remplacer les exécutions massives d’otages par la déportation d’otages communistes et juifs vers l’Est.
Entre août 1941 et la fin de l’année 1942, pour dissuader les groupes armés communistes de poursuivre leurs attaques contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, Hitler ordonne ces déportations dans le cadre de la croisade contre le « judéo-bochevisme », emblème de la guerre contre l’Union soviétique
Le 9 avril 1942, Hitler ordonne de renforcer les premières mesures par la déportation systématique de 500 otages communistes, juifs et « asociaux », pour chaque nouvel attentat.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés, à transférer au camp allemand de Compiègne, Frontstalg 122. Numéro 166 de la liste, Hilaire Sartorio arrive au camp allemand Royallieu de Compiègne, le 22 mai 1942. Il sera déporté à Auschwitz, le 6 juillet 1942, dans le convoi dit des « 45000 ».
Ce convoi est composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes et syndicalistes CGT et d’une cinquantaine d’otages juifs. Leur déportation a été décidée, dans le cadre des mesures de représailles allemandes, destinées à combattre en France les judéo-bolcheviks, responsables des actions armées organisées par le parti communiste clandestin, contre des officiers et soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
À son arrivée à Auschwitz, le 8 juillet 1942, Hilaire Sartotio subit le rituel d’accueil imposé par le protocole nazi : tonte, désinfection, paquetage, visite médicale.
Le déporté politique Hilaire Sartorio Matricule « 46097 » à Auschwitz
Après l’enregistrement qui le catalogue « athée », il passe la nuit au Blok 13 où les 1170 déportés sont entassés dans deux pièces. Le 9 juillet, ils sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet, il est interrogé sur sa profession. Sur la base de ces interrogatoires, les SS sélectionnent les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers. Les déportés sélectionnés retournent à Auschwitz, les autres restent à Birkenau où ils sont employés à des travaux de terrassement et à la construction des blocks. Les SS ayant ordonné la destruction des archives, avant l’évacuation d’Auschwitz, on ne sait pas dans lequel des deux camps Hilaire Sartorio a été affecté.
En septembre 1942 une épidémie de typhus frappe le camp d’Auschwitz-Birkenau, les SS eux-mêmes en sont touchés. La direction SS du camp sélectionne tous les typhiques pour la chambre à gaz et les élimine par milliers. Diagnostiqué typhique, Hilaire Sartorio connaît la terrible infortune d’être sélectionné pour la chambre à gaz et le four crématoire. Cette sélection est attestée par les témoignages de Mathiaud Henri et Eugène Garnier, certifiés le 27 novembre 1945 par Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’amicale d’Auschwitz.
L’acte de décès conservé aux archives d’Auschwitz Birkenau porte la date du 2 octobre 1942.
Attestation d’Eugène Garnier en date du 20/03/1946
Le plus étonnant, dans le destin d’Hilaire Sartorio, c’est qu’après son décès son domicile va être le siège de l’activité résistante de sa commune de résidence.
Témoignage de Jean Blanchot. « Le 28 rue de Poitou, C’était le siège des FTPF. On faisait venir des moutons, des vaches qui étaient abattus dans le sous-sol. On les distribuait après, en morceaux découpés, dans les lieux de Résistance, et même au-delà de la région de Tremblay. Il y avait aussi des armes cachées et c’est là qu’on a caché notre commandant DIVE, quand i1 a été b1essé… C’est le docteur Brumberg qui est venu le soigner. C’était le PC de la l1lème Région Nord. »
Madeleine Lainé-Blanchot confirme ainsi le témoignage de son frère :
« Cette maison du 28, elle n’a jamais été surveillée par les Allemands. Pourtant on avait des voisins qui étaient au courant… Elle a juste été repérée à la Libération quand mon frère et un autre ont tiré des balles. Ils sont montés sur le toit de l’éco1e de la Plaine et ont tiré sur les Allemands qui étaient de l’autre côté du canal. Malheureusement, comme c’étaient encore des novices, ils ont tiré des balles traçantes… alors là, on a été repérés : la rue devant la maison était blanche de poudre.
Heureusement, c’était la débâcle, ça nous a sauvés… Les Allemands s’en allaient. »
À première vue, il semble incroyable que le domicile d’un militant antinazi puisse servir de centre de commandement à un groupement FTPF, sans être inquiété par l’Occupant. Cela tient sans doute aux méthodes bureaucratiques de la machine nazie. Sartorio ayant été étiqueté par la police de Vichy comme militant communiste de Paris, aucune investigation sur son passé n’a été menée en banlieue. Si la lettre du Préfet de la Seine-et-Oise en date du 14 février 1941 avait abouti, il est probable qu’il en eût été autrement.
Hilaire Sartorioest né le 2 janvier 1899 à Paris 19ème. Il habite au 28, rue du Poitou au Vert-Galant, à Tremblay-lès-Gonesse (Seine-et Oise / Val d’Oise) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victoire, Marie, Clotilde Morel, 37 ans, blanchisseuse et d’Emmanuel Sartorio, 41 ans, fumiste. Il naît à leur domicile, au 13, rue Riquet.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 69, a les cheveux bruns, les yeux noirs, le front large et le nez gros, le visage rond. Au moment de l’établissement de sa fiche, son père est décédé. Il est soutien de famille et habite chez sa mère au 5 rue Riquet à Paris 19ème. Il travaille comme est chaudronnier en fer. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Seine (matricule 1866). Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) au début de 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre.
Il est incorporé le 20 avril 1919 au 10ème Régiment d’infanterie. Après l’Armistice, il est transféré le 30 juillet 1919 au 16ème Régiment de chasseurs à cheval. Il est nommé cavalier de 1ère classe en juin 1920. Il est transféré au 85ème Régiment d’artillerie lourde en juillet 1921. Il est démobilisé le 21 mars 1921, « certificat de bonne conduite accordé ». Il est néanmoins rappelé « à l’activité » militaire du 11 mai au 7 juin 1921 (article 33 de la loi de 1905) : en mai 1921, pour hâter l’application du traité de Versailles (versement des dommages de guerre, en particulier le charbon), le gouvernement français ordonne la première occupation militaire de la Ruhr par l’armée française. Les effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent alors de 100.000 à 210.000 hommes. Le gouvernement rappelle les réservistes, ce qui est le cas d’Hilaire Sartorio ou maintient les hommes libérables. Il est donc en occupation des pays rhénans du 11 mai au 7 juin 1921.
Le 24 juin 1922, Hilaire Sartorio épouse, à la mairie du 19ème arrondissement, Sylvie, Françoise, Hortense Thienpont.
Le couple aura un garçon, Georges . En décembre 1926 et pendant 10 ans, ils habitent au 6, rue de Thionville à Paris 19ème, un petit immeuble de trois étages.
Hilaire Sartorio est chaudronnier à la Société du Gaz de Paris, rue de Courbevoie (19ème) selon son petit-fils Alain Sartorio, et à l’Usine à goudron et de dépôt de Coke (« Goudrons-Gaz ») au 15 rue de Cambrai (19ème) selon les rapports de police.
Le 8 août 1927, la CGT unitaire a appelé à la grève générale pour la grâce de Sacco et Vanzetti , avec l’appui du Parti communiste. Hilaire Sartorio est gréviste et manifeste : plusieurs manifestations violentes auront lieu ce jour là, sur les grands boulevards, au Panthéon, rue Monge, et à Vincennes. Non loin du local de l’Union des Syndicats unitaires, rue de la Grange aux Belles, Hilaire Sartorio est arrêté vers 11 heures avec cinq autres manifestants après une violente échauffourée avec les agents. Il est condamné le 10 août 1927pour « coups et blessures à agents » à 15 jours de prison avec sursis et 25 francs d’amende, malgré l’intervention de Georges Maranne, conseiller général (événements relatés par l’Humanité, lePetit Parisien,Le Gaulois,l’Est Républicain).
A Goudron-Gaz il rencontre Corentin Cariou , aide de forge, puis aide-ajusteur à la Sociétédu Gaz de Paris à l’usine des goudrons de la Villette, militant syndical et candidat du Parti communiste aux élections. En novembre 1938, Hilaire Sartorio est classé « sans affectation » pour la réserve de l’armée au titre de la Société du Gaz de Paris (ce qui signifie qu’il est « affecté spécial (la SGP relevant de la Défense nationale, il sera ainsi mobilisé sur son poste de travail en cas de conflit armé). Le 20 novembre 1939, l’armée indique « n’a pas rejoint son poste ». Une enquête est diligentée. Le 29 janvier 1940 il est indiqué comme résidant 26, rue du Poitou au Vert Galant par Vaujours (Seine-et-Oise).
Le 13 juin 1940, la bataille de l’Ourcq oppose à Tremblay la 1ère Compagnie Gillot du 24e Chasseurs alpins, à la 718e division de l’armée allemande. La Cie Gillot ayant décroché, dans la nuit du 13 au 14 juin, les soldats allemands qui occupent Tremblay fusillent en représailles (onze allemands ont été tués) quinze civils au Vert-Galant dans le Bois Saint-Denis.
Le 14 juin 1940, dans le cadre de la bataille de France, quinze civils ont été fusillés en représailles par des soldats allemands au Vert-Galant dans le Bois Saint-Denis. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles ont occupé une partie de la banlieue-est la veille, puis la totalité de la banlieue les jours suivants.
Selon les renseignements généraux, il est devenu l’ami intime de Corentin Cariou et Hilaire Sartorio est décrit comme distribuant « des tracts à l’usine et des collectes au profit des emprisonnés politiques. Chargé de recueillir les fonds des ex-membres de la cellule desGoudrons ». C’est un « meneur très actif, principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la société du Gaz » (liste des RG renseignant succinctement le directeur du CSS d’Aincourt sur le CV des communistes arrêtés le 6 décembre 1940).
Selon son petit-fils, Hilaire Sartorio est actif depuis août 1940, au sein du Parti communiste clandestin.
Hilaire Sartorio est arrêté à son travail avec 8 autres militants le 6 décembre 1940 « en vue de leur internement à Aincourt ». Son arrestation est effectuée par l’inspecteur « Cl… du commissariat du Pont de Flandre». Selon les souvenirs de Georges Sartorio le fils d’Hilaire et père d’Alain, Hilaire Sartorio aurait été victime d’une dénonciation. Georges Sartorio avait caché derrière un lampadaire mural une petite coupure de presse qui en aurait apporté la preuve.
Toutefois, il convient de souligner que les RG connaissent bien les activités d’Hilaire Sartorio et son amitié avec Corentin Cariou, dirigeant notoire du Pc et que 68 autres militants communistes, bien connus des Renseignements généraux, sont arrêtés à la date du 6 décembre. Leur internement administratif étant décidé par arrêté du Préfet de police de Paris Roger Langeron, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (le dossier d’internement d’Hilaire Sartorio porte le numéro 338.456).
Enfin, outre la liste générale qu’ils vont transmettre au directeur du camp d’Aincourt avec les motifs des internements, les RG ont également dressé une « liste des fonctionnaires employés des services publics ou assimilés, internés administrativement le 6 décembre 1940 par application de la Loi du 3 septembre 1940 (5) » où figure le nom d’Hilaire Sartorio. La liste des militants devant être arrêtés « en vue de leur internement à Aincourt » avec en face de leur nom celui des inspecteurs de police qui sont chargés de ces arrestations montre bien qu’il s’agit d’une rafle concertée.
Hilaire Sartorio et ses camarades sont d’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier. Puis ils sont transférés au Centre de séjour surveillé CSS d’Aincourt le jour même.
Pendant son internement, son nom et celui de 5 autres internés fait l’objet d’un épisode de la bureaucratie préfectorale : habitant la Seine-et-Oise, c’est le préfet de ce département qui aurait du signer son arrêté d’internement. Aussi, le Préfet de Seine-et-Oise s’adresse-t-il le 14 février 1941 – note classée secret – au Préfet de police de Paris et aux services des RG en lui communiquant les noms et adresses de ces 6 internés tous domiciliés en Seine-et-Oise « il me paraît anormal qu’ils fassent l’objet d’arrêtés d’internement pris par vos soins, et c’est la raison pour laquelle je serais désireux de régulariser cette situation. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir prendre des arrêtés d’élargissement, qui resteraient théoriques, n’étant suivis d’aucun effet, et que je compléterais immédiatement à la même date par des arrêtés d’internement signés par moi-même ». Les archives de la Préfecture ne nous apportent pas la réponse à cette demande… Mais quoique il en soit, Hilaire Sartorio reste interné à Aincourt !
Le 6 septembre 1941, Hilaire Sartorio est transféré au Centre de Séjour Surveillé de Rouillé, avec 149 autres internés d’Aincourt. Le 14 octobre, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé 4 mois auparavant, dont celui d’Hilaire Sartorio. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre 1941 : la note concernant Sartorio est identique à celle communiquée au directeur d’Aincourt.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom d’Hilaire Sartorio (n° 166 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France,les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Après l’enregistrement – au cours duquel il est inscrit comme athée -, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks).
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Avant Hedayat la prose dans la littérature persane n’existait pas. Confiné au silence par l’ignorance, les religieux, les obscurantistes il se sucida à Paris.
Son œuvre marquée par le surréalisme et une prose envoûtante n’a pas la reconnaissance qu’elle mérite.
Sadegh Hedayat, La Chouette aveugle
Il est des plaies qui, pareilles à la lèpre, rongent l’âme, lentement, dans la solitude. Ce sont là des maux dont on ne peut s’ouvrir à personne. Tout le monde les range au nombre des accidents extraordinaires et si jamais quelqu’un les décrit par la parole ou par la plume, les gens, respectueux des conceptions couramment admises, qu’ils partagent d’ailleurs eux-mêmes, s’efforcent d’accueillir son récit avec un sourire ironique. Parce que l’homme n’a pas encore trouvé de remède à ce fléau. Les seules médecines efficaces sont l’oubli que dispensent le vin et la somnolence artificielle procurée par la drogue ou les stupéfiants. Les effets n’en sont, hélas, que passagers : loin de se calmer définitivement, la souffrance ne tarde pas à s’exaspérer de nouveau. Pénétrera-t-on un jour le mystère de ces accidents métaphysiques, de ces reflets de l’ombre de l’âme, perceptibles seulement dans l’hébétude qui sépare le sommeil de l’état de veille ? Pour ma part, je me bornerai à relater une expérience de cet ordre. J’en ai été la victime ; elle m’a tellement bouleversé que jamais je n’en perdrai mémoire. Tant que je vivrai, jusqu’au jour de l’Éternité, jusqu’au moment où je gagnerai ces lieux dont la nature échappe à notre entendement et à nos sens, son signe funeste vouera mon existence au poison. J’ai écrit «poison» je voulais dire, plutôt, que j’ai toujours porté cette cicatrice en moi et qu’à jamais j’en resterai marqué. Je m’efforcerai d’écrire ce dont je me souviens, ce qui demeure présent à mon esprit de l’enchaînement des circonstances. Peut-être parviendrai-je à tirer une conclusion générale. Non, j’arriverai tout au plus à croire, à me croire moi-même, car ; pour moi, que les autres croient ou ne croient pas, c’est sans importance. Je n’ai qu’une crainte, mourir demain, avant de m’être connu moi-même. En effet, la pratique de la vie m’a révélé le gouffre abyssal qui me sépare des autres : j’ai compris que je dois, autant que possible, me taire et garder pour moi ce que je pense. Si, maintenant, je me suis décidé à écrire, c’est uniquement pour me faire connaître de mon ombre – mon ombre qui se penche sur le mur, et qui semble dévorer les lignes que je trace. C’est pour elle que je veux tenter cette expérience, pour voir si nous pouvons mieux nous connaître l’un l’autre. Préoccupations futiles, soit, mais qui, plus que n’importe quelle réalité, me tourmentent. Ces hommes qui me ressemblent et qui obéissent en apparence aux mêmes besoins, aux mêmes passions, aux mêmes désirs que moi, ont-ils une autre raison d’être que de me rouler ? Sont-ils autre chose qu’une poignée d’ombres, créées seulement pour se moquer de moi, pour me berner. Tout ce que je ressens, tout ce que je vois et tout ce que j’évalue, n’est-ce pas un songe inconciliable avec la réalité ? Je n’écris que pour mon ombre projetée par la lampe sur le mur ; il faut que je me fasse comprendre d’elle.