AUTONOMIE ET NEUROTECHNOLOGIE

Autonomie et Neurotechnologie

Le lien entre Autonomie et Neurotechnologie est peut être celui qui engage le plus de bouleversement tant sur la nature humaine que sur la définition même de l humanisme et de la liberté d’agir.

C’est aussi le domaine le plus complexe à comprendre et à cerner; l’honnête homme est à la merci des idéologies scientifiques sans pouvoir juger par lui même de la validité scientifique des hypothèses et expériences.

Il nous reste la faculté de juger des effets désirables et indésirables de ces expériences.

Je vais donc avant de proposer des hypothèses explicatives faire un modeste tour d’horizon de certaines recherches en cours.

Retour d’expériences

Qui dit Neurotechnologie dit Neuralink . C’est une startup américaine neurotechnologique qui développe des implants cérébraux d’interfaces neuronales directes, cofondée par Elon Musk et l’équipe fondatrice (Ben Rapoport, Dongjin Seo, Max Hodak, Paul Merolla, Philip Sabes, Tim Gardner, Tim Hanson, Vanessa Tolosa) en 2016 .

Le N1 Link est un dispositif à 1024 canaux que Neuralink a fabriqué pour l’usage thérapeutique des patients. Une fois que le dispositif est implanté dans le cerveau d’un patient, il est censé transmettre des données de manière invisible via une connexion sans fil.

« Les singes utilisés dans ces expériences étaient enfermés seuls, avaient des implants métalliques vissés à leur crâne, ont souffert de traumatismes faciaux et de crise d’épilepsie dus aux implants, ainsi que d’infections multiples. Dans certains cas, Neuralink et l’université de Davis ont choisi de les euthanasier avant le début des expériences, leur santé étant trop dégradée », rapporte l’association protectrice des animaux.

Ces implants hautement invasifs et leur matériel associé, qui sont insérés dans le cerveau après avoir percé des trous dans le crâne des animaux, ont produit des infections récurrentes chez les animaux, compromettant considérablement leur santé, ainsi que l’intégrité de la recherche.

Au total, pas moins de neuf textes de lois américaines auraient été bafoués par Elon Musk, sa société Neuralink et l’Université de Californie à Davis, liée aussi au projet.

Pour se défendre, Neuralink a publié un long communiqué de presse sur  indiquant « que ces accusations émanent de personnes qui s’opposent à toute utilisation d’animaux dans la recherche. » L’ entreprise détaille par ailleurs les causes de la mort des singes euthanasiés affirmant qu’ils étaient arrivés « en procédure terminale » en raison « de mauvaises conditions de santé liées à leur état avant d’être assignés à Neuralink ». Et de préciser que « toutes les procédures menées entre 2017 et 2020 à l’université de Davis se « pliaient aux lois fédérales en vigueur ».

L’université, qui a stoppé toute collaboration avec Neuralink en 2020, se défend affirmant avoir fourni lors de sa collaboration « les meilleurs soins possibles aux animaux dont nous avons (eu) la charge. La recherche animale est strictement réglementée et UC Davis respecte toutes les lois et réglementations applicables, y compris celles du département américain de l’agriculture”.

Ce tollé intervient alors qu’Elon Musk prévoit en 2022 de lancer les premières expérimentation sur les humains. « Nous espérons pouvoir implanter ce dispositif chez nos premiers humains – qui seront des personnes souffrant de graves lésions de la moelle épinière, comme des tétraplégiques ou des quadriplégiques – l’année prochaine, sous réserve de l’approbation de la FDA, a déclaré le PDG de Neuralink.

L’entreprise espère à long terme pouvoir traiter des maladies telles que Parkinson ou Alzheimer.

Pour l’instant c’est sur deux cochons que l’entrepreneur américain Elon Musk et son équipe de scientifiques ont testé l’interface cerveau-machine Neuralink.

 Il consiste désormais en une puce de la taille d’une pièce de monnaie, que l’on insère dans le crâne et qui projette dans le cerveau 1024 fibres porteuses d’électrodes d’enregistrement et de stimulation cérébrales. La nouveauté par rapport au modèle de 2019 est que celui-ci ne possède plus de “pile” implantée dans le cou mais une simple batterie rechargeable sans contact dont l’autonomie est d’une journée entière. 

Et pour prouver que cela marche, le dispositif a été implanté grâce à un robot chirurgien de haute précision sur deux cochons ! Sur la vidéo, Elon Musk présente Dorothy, une truie qui a été implantée avec Neuralink puis “explantée” pour pouvoir “démontrer la réversibilité” de l’opération. Puis voici Gertrude, qui, elle, est toujours implantée, depuis deux mois. Lorsque l’implant est activé on “entend” le crépitement des neurones alors que l’animal explore son environnement. Et quand Gertrude marche sur un tapis roulant, l’implant enregistre l’activité des neurones correspondants aux mouvements de ses pattes. 

L’idée d’un implant de stimulation cérébrale n’est cependant pas neuve! “La stimulation cérébrale profonde (SCP), qui consiste à stimuler le cerveau par des électrodes implantées, a été élaborée en 1987 par les Pr Alim-Louis Benabid et Pierre Pollak du CHU de Grenoble, rappelle à propos le professeur de psychiatrie Mircea Polosan, chef de service psychiatrie au CHU de Grenoble et chercheur à l’Inserm, spécialistes des implants de stimulation cérébrale profonde.  Les premiers essais ont été réalisés au départ pour traiter trois pathologies le « tremblement essentiel », la dystonie et la maladie de Parkinson.” En implantant des électrodes de stimulation au niveau des ganglions de la base, on parvient à brouiller les signaux pathologiques et à éliminer les tremblements moteurs conséquences de ces maladies.

Le système Neuralink, tel qu’il a été présenté, tient donc plus d’une avancée d’ordre technologique que conceptuelle”, ajoute le professeur Mircea Polosan. Pour celui-ci, la nouveauté réside essentiellement dans la miniaturisation de l’implant. Aujourd’hui, les systèmes actuels possèdent moins d’une centaine de contacts d’électrodes, en matériau semi-conducteur que l’on pose sur la zone cérébrale à stimuler. Ce n’est pas très souple ni très précis.”  Neuralink se compose de 1024 “câbles” en polymères plus fins que des cheveux, flexibles, porteurs des microélectrodes souples qui enregistrent l’activité des neurones et les stimulent en retour de manière très fine, très précise et focalisée en fonction du signal enregistré au préalable. Si le système satisfait les exigences de sécurité pour un tel dispositif implantable, on gagnera en précision !, poursuit le Pr Polosan.Ce serait comme passer d’ un appareil photo numérique à 300 000 pixels il y a 15 ans à 10 millions de pixels aujourd’hui. Ce système pourra contribuer au développement de la recherche en cours sur la stimulation adaptative, dépendante du signal pathologique enregistré au préalable. ” 

Lors de sa présentation, Elon Musk a évoqué également son futur essai clinique qui concernera des personnes souffrant de paraplégie ou tétraplégie, après une lésion de la moelle épinière. Avec cet implant, vous pourrez en effet écrire des mots, contrôler un ordinateur ou un téléphone juste par la pensée.” 

Grégoire Courtine, professeur associé à l’EPFL, mondialement reconnu pour ses avancées révolutionnaires dans le traitement de la paralysie, salue cet intérêt pour les interfaces cerveaux-machines mais soulève une difficulté : « Le plus important reste de démontrer que cette technologie est susceptible d’enregistrer l’activité cérébrale durant de nombreuses années; ce que l’on sait improbable avec ce type d’approche. Même une preuve de concept sur des patients, qui viendra certainement dans les 12 a 24 prochains mois, restera au stade de la preuve de concept de relative courte durée avec la technologie envisagée . »

A plus long terme, ce sont les lésions de la moelle épinière elles-mêmes qu’Elon Musk promet de pallier, grâce à un second implant qui viendrait activer les nerfs sous la blessure, à partir des signaux envoyés par le cerveau. Ainsi « nous restaurerons la pleine mobilité grâce à un contournement entre le cerveau et la moelle épinière » 

Mais là aussi rien de totalement nouveau sous le soleil. « C’est une belle idée que nous avons démontrer sur des primates dans un papier publié dans Natureen 2016…, précise Grégoire Courtine. et pour laquelle nous avons des brevets exploités par notre startup GTX medical. Effectivement, nous prévoyons d’équiper nos patients avec un implant cortical et un stimulateur spinal pour valider cette approche dès l’année prochaine, donc bien avant Neuralink» Le chercheur ne rejette d’ailleurs pas l’idée d’utiliser un jour l’implant d’Elon Musk mais d’autres options sont pour l’heure retenues avec certes moins de précision « mais sans doute plus de longévité ».

Selon Elon Musk, son système permettra aussi de traiter une longue liste de pathologies, allant de la dépression à la cécité, en passant par les crises d’épilepsie, l’addiction, l’insomnie ou encore les douleurs intenses…  Car, dans l’absolu, moduler la communication interneuronale pourrait impacter toutes les pathologies cérébrales, pourvu qu’on sache comment elle se traduit en symptômes cliniques. 

Enfin, l’entrepreneur américain ne peut s’empêcher de rêver à l’humain connecté, qui conduira sa Tesla par télépathie ou jouera aux jeux vidéo sans les mains ou apprendra une nouvelle langue. À la question du public Neuralink pourra-t-il sauvegarder nos souvenirs et les rejouer ?”, il répond oui” sans hésiter. C’est ridicule dans l’état actuel des connaissances et sur la base des technologies qu’ils développent”, assure pourtant Grégoire Courtine. Et le professeur Polosan de réagir : Je pense qu’on a déjà fort à faire pour soigner les malades ! Ces interventions sont invasives et comportent un risque infectieux non négligeable. Doit-on faire courir un risque à des gens en bonne santé juste pour qu’ils apprennent une langue étrangère plus vite ?

Par ailleurs sur un autre plan le docteur René Écochard, professeur à l’université Claude-Bernard (Lyon I) et auteur de Homme-Femme, déclare « Par leur biologie, hommes et femmes ont des aptitudes différentes mais aussi complémentaires ». Ce qui est « un riche potentiel » « pour la vie sociale »,.

« Les neurosciences montrent que le genre se développe à partir du sexe », explique le professeur. « Le cerveau est sexué, affirme-t-il. Autrement dit, la science montre que le genre n’est ni une pure construction sociale ni un choix, mais qu’il est inné, et ne demande qu’à se développer selon la nature et l’expérience. »

« Homme et femme ont une commune humanité qui se traduit par une grande part de similitude entre leurs cerveaux, précise le médecin. Mais les neurosciences montrent aussi de grandes différences : des zones en moyenne plus développées chez les femmes et d’autres chez l’homme, ainsi que des récepteurs hormonaux différents »

.Ainsi, « par les neurosciences, nous apprenons que ces différences du cerveau se traduisent par un tempérament et des aptitudes différentes en moyenne », affirme-t-il. « On naît homme ou femme et on le devient en développant ses aptitudes innées », résume le professeur.

« Il y a, dans les publications scientifiques, un discours clair sur le caractère sexué du cerveau, et ce dès la naissance », certifie le professeur Ecochard, regrettant que « le débat public se prive de ces repères ».

« Le crâne est le bastion de la vie privée, et le cerveau est la dernière partie privée de nous-mêmes », estime Tom Oxley, un neurochirurgien australien.

C’est aussi le PDG de Synchron, une entreprise de neurotechnologies « qui a testé avec succès des implants cérébraux de haute technologie permettant aux gens d’envoyer des courriels et des SMS par la seule pensée ». En juillet, Synchron a obtenu l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) de mener des essais cliniques d’interfaces cerveau-ordinateur (ICO) sur des êtres humains. C’est la première entreprise à avoir obtenu une telle autorisation

Le principe de la technologie réside dans l’introduction d’électrodes dans le cerveau de patients paralysés via leurs vaisseaux sanguins. Les électrodes y enregistrent l’activité cérébrale et transmettent les données à un ordinateur, « où elles sont interprétées et utilisées comme un ensemble de commandes, permettant aux patients d’envoyer des courriels et des SMS ». « Nous sommes totalement concentrés sur la résolution de problèmes médicaux », tient à préciser le PDG de l’entreprise.

Pour David Grant, chercheur à l’université de Melbourne, « le potentiel des neurosciences pour améliorer nos vies est presque illimité », mais « le niveau d’intrusion qui serait nécessaire pour concrétiser ces avantages… est important ». Le chercheur craint le passage de ces technologies de la médecine « à un monde commercial non réglementé ». Un scénario dystopique qui conduirait à « une détérioration progressive et implacable de notre capacité à contrôler nos propres cerveaux ».

« Je reconnais que le cerveau est un endroit très privé et que nous sommes habitués à ce qu’il soit protégé par notre crâne. Ce ne sera plus le cas avec cette technologie », admet Tom Oxley.

Déjà, des casques sont commercialisés en Chine pour améliorer la concentration des élèves. Et des casques ont été utilisés sur des sites miniers en Australie pour « suivre la fatigue des chauffeurs routiers ».

En 2017, Marcello Lenca, bioéthicien européen, a proposé une nouvelle classe de droits : « les neurodroits », c’est-à-dire « la liberté de décider qui est autorisé à surveiller, lire ou modifier votre cerveau »  .

Mais pour David Grant, c’est insuffisant. « Notre notion actuelle de la vie privée sera inutile face à une intrusion aussi profonde », affirme-t-il et « il est naïf de penser que nous pouvons régler ce problème en adoptant une loi ». En effet, les casques utilisés en Chine ou en Australie génèrent des données à partir de l’activité cérébrale des utilisateurs, et « il est difficile de savoir où et comment ces données sont stockées, et encore plus difficile de les contrôler ».

Le chercheur propose de développer des « algorithmes personnels » qui fonctionnent « comme des pare-feux hautement spécialisés entre une personne et le monde numérique ». Des codes qui « pourraient s’engager dans le monde numérique au nom d’une personne, protégeant son cerveau contre toute intrusion ou altération ».

« La lecture des pensées ? Cela n’arrivera pas, estime le professeur Adrian Carter, neuroscientifique et éthicien de l’université Monash de Melbourne, en Australie. Du moins pas de la manière dont beaucoup l’imaginent. Le cerveau est tout simplement trop complexe. Prenez les interfaces cerveau-ordinateur : oui, les gens peuvent contrôler un appareil en utilisant leurs pensées, mais ils doivent s’entraîner pour que la technologie reconnaisse des schémas spécifiques d’activité cérébrale avant de fonctionner. Il ne suffit pas de penser ‘ouvre la porte’ pour que cela se produise ».

Mais le professeur Carter rappelle que « certaines des menaces attribuées aux neurotechnologies futures sont déjà présentes dans la façon dont les données sont utilisées par les entreprises technologiques au quotidien ». « L’intelligence artificielle et les algorithmes qui décryptent les mouvements des yeux et détectent les changements de couleur et de température de la peau » en sont des exemples. Ils lisent les résultats de l’activité cérébrale « à des fins publicitaires ». Des données qui « sont utilisées avec des intérêts commerciaux depuis des années pour analyser, prédire et influencer les comportements ». « Des entreprises comme Google, Facebook et Amazon ont gagné des milliards » grâce à ce type de données.

De son côté Tom Oxley estime ne pas être naïf quant aux usages possibles de ces technologies. Et il indique que « le financement initial de Synchron provenait de l’armée américaine, qui cherchait à développer des bras et des jambes robotisés pour les soldats blessés, actionnés par des puces implantées dans leur cerveau ».

Des chercheurs du consortium BrainGateont mis en œuvre un capteur implanté dans le cerveau « pour enregistrer les signaux cérébraux associés à l’écriture manuscrite ». Ils ont ensuite utilisé ces signaux « pour générer du texte sur un ordinateur en temps réel ». Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature.

Le participant à l’essai clinique, un homme alors âgé de 65 ans souffrant de lésions de la moelle épinière au niveau cervical, a utilisé le système « pour “taper” des mots sur un ordinateur à un rythme de 90 caractères par minute ». Pour ce faire, il n’a eu qu’à « penser aux mouvements de la main impliqués dans la création de lettres écrites ». Deux « minuscules » électrodes « de la taille d’une aspirine pour bébé » ont été implantées dans la partie de son cerveau associée aux mouvements de son bras et de sa main droite. Grâce aux signaux issus des neurones lorsque l’homme imaginait écrire, puis enregistrés par les capteurs, « un algorithme d’apprentissage automatique a reconnu les motifs que son cerveau produisait pour chaque lettre ».

« Si le système est si rapide, c’est parce que chaque lettre suscite un schéma d’activité très distinctif, ce qui permet à l’algorithme de les distinguer relativement facilement les unes des autres », explique Frank Willett, chercheur à l’université de Stanford et au Howard Hughes Medical Institute (HHMI), qui a dirigé l’étude.

Le précédent record de frappe avec une interface cerveau-ordinateur était de 40 caractères par minute, un record obtenu en réfléchissant « aux mouvements nécessaires pour pointer et cliquer sur des lettres sur un clavier virtuel ».

Selon les chercheurs, ce système pourrait un jour aider à restaurer la capacité des personnes à communiquer, après une paralysie causée par un accident ou une maladie.

Des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) ont mis au point « une “neuroprothèse vocale” qui a permis à un homme gravement paralysé de communiquer par phrases ». Alors qu’il tentait de parler, les signaux cérébraux de cet homme muet depuis 15 ans ont été traduits en mots apparaissant sur un écran.

« A notre connaissance, il s’agit de la première démonstration réussie du décodage direct de mots complets à partir de l’activité cérébrale d’une personne paralysée et incapable de parler » a déclaré le Dr Edward Chang, chirurgien neurologique de l’UCSF et auteur principal de l’étude. « Cette technique est très prometteuse pour rétablir la communication en exploitant les mécanismes naturels de la parole dans le cerveau », estime-t-il, quand « chaque année, des milliers de personnes perdent la capacité de parler à la suite d’un accident vasculaire cérébral, d’un accident ou d’une maladie ».

Alors que les recherches se focalisaient jusqu’alors sur des « approches basées sur l’orthographe pour taper les lettres une par une dans un texte », ces travaux visent à traduire « les signaux destinés à contrôler les muscles du système vocal pour prononcer des mots, plutôt que les signaux destinés à déplacer le bras ou la main pour permettre la frappe », exploitant ainsi « les aspects naturels et fluides de la parole ».

Le premier participant à l’essai clinique intitulé BRAVO (Brain-Computer Interface Restoration of Arm and Voice) est âgé d’une trentaine d’années. Muet suite à un accident, il « a travaillé avec les chercheurs pour créer un vocabulaire de 50 mots » et les chercheurs lui ont implanté « un réseau d’électrodes à haute densité sur le cortex moteur de la parole ». Des modèles de réseaux de neurones ont ensuite permis de traduire les signaux cérébraux, sur « de courtes phrases » construites à partir des 50 mots, telles que « Je vais très bien » ou « Non, je n’ai pas soif ». Les signaux ont pu être décodés à un rythme « allant jusqu’à 18 mots par minute avec une précision allant jusqu’à 93 % (75 % en médiane) ». Lorsque nous parlons, « nous communiquons normalement des informations à un rythme très élevé, jusqu’à 150 ou 200 mots par minute ».

Le cortex insulaire antérieur serait la « porte de la conscience », le « filtre » qui choisit quels stimuli parviennent de façon consciente au reste du cerveau. Ce sont des chercheurs du Center for Consciousness Science du Michigan Medicine, aux Etats-Unis, qui ont identifié cette « clé ». Leurs travaux sont publiés dans la revue Cell Reports.

Parmi les milliers de stimuli, visuels, auditifs ou autres, traités chaque jour par le cerveau, « seuls certains passent la porte de notre conscience » mais le mécanisme de sélection n’est pas encore identifié. « Le traitement de l’information dans le cerveau a deux dimensions : le traitement sensoriel de l’environnement sans conscience et celui qui se produit lorsqu’un stimulus atteint un certain niveau d’importance et entre dans la conscience », explique Zirui Huang, principal auteur de l’étude. Les chercheurs ont fait l’hypothèse de l’existence d’une « structure critique » de contrôle de l’accès conscient aux informations sensorielles. Ils ont ensuite réalisé deux expériences pour analyser le rôle éventuel du cortex insulaire antérieur, déjà connu pour son rôle vis-à-vis des émotions.

La première expérience a permis de montrer que « lorsque le cortex insulaire antérieur est éteint, la conscience aussi ». 26 personnes ont été examinées à l’IRM fonctionnelle, qui permet de voir les zones activées du cerveau. Les chercheurs ont injecté aux participants un anesthésiant, le Propofol, pour bloquer leur cortex insulaire antérieur, et « contrôler leur niveau de conscience ». En même temps ils ont demandé à chacun d’imaginer des situations telles que jouer au tennis, marcher ou serrer une balle en caoutchouc. Alors que les personnes perdaient progressivement conscience au cours de l’expérience, la conscience est revenue après l’arrêt du Propofol. Le cortex insulaire antérieur semble donc « agir comme un filtre qui ne permet qu’aux informations les plus importantes d’entrer dans la conscience ».

Pour confirmer ce résultat, les chercheurs ont mis en place une seconde expérience, afin d’identifier « si l’activation du cortex insulaire antérieur est prédictive de la prise de conscience d’une information ». Pour cela, 19 volontaires ont visionné des images subliminales de visages pendant 33 millisecondes, toujours sous IRM fonctionnelle, puis dit s’ils avaient vu ou non l’image. Les chercheurs ont constaté « que l’activation préalable du cortex insulaire antérieur était prédictif de la capacité du sujet à percevoir consciemment l’image du visage ». « La détection d’un stimulus dépend de l’état de l’insula antérieure lorsque l’information arrive dans le cerveau, explique Zirui Huang : si l’activité de l’insula est élevée au moment du stimulus, vous verrez l’image ».

« Sur la base des résultats de ces deux expériences, nous concluons que le cortex insulaire antérieur pourrait être une porte pour la conscience», conclut le chercheur.

Des chercheurs de l’université de Californie, Los Angeles (UCLA) et de l’université de Stanford ont observé la maturation d’organoïdes de cerveau cultivés pendant 20 mois en laboratoire . Leur étude est publiée dans la revue Nature Neuroscience[1].

En réalisant une « analyse génétique approfondie » de ces organoïdes fabriqués à partir de cellules souches pluripotentes induites, les équipes du Dr Daniel Geschwind de l’UCLA et du Dr Sergiu Pasca de l’université de Stanford ont découvert que ces organoïdes « suivent une horloge interne » qui guide leur développement « d’une manière étonnamment similaire » à celui du cerveau humain. « Nous montrons qu’ils atteignent la maturité post-natale vers 280 jours de culture, et après cela commencent à modéliser certains aspects du cerveau du nourrisson, y compris des changements physiologiques connus », précise Aaron Gordon, post-doctorant à l’UCLA et premier auteur de l’étude.

Des caractéristiques qui font d’eux « un bon modèle pour l’étude des maladies humaines » selon le Dr Geschwind. Depuis plusieurs années, des chercheurs cultivent des organoïdes de cerveau humain « pour étudier les troubles neurologiques et neurodéveloppementaux de l’homme, tels que l’épilepsie, l’autisme et la schizophrénie ». Mais jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que les cellules constitutives de ces organoïdes restaient « bloquées dans un état de développement analogue à celui des cellules observées lors du développement du fœtus ». D’après les chercheurs, ces résultats montrent « qu’il pourrait être possible de faire croître les cellules jusqu’à une maturité qui permettra aux scientifiques de mieux étudier les maladies qui apparaissent à l’âge adulte, telles que la schizophrénie ou la démence ».

Des chercheurs américains ont montré que « certains gènes présentent une activité étonnamment élevée jusqu’à 24 heures après la mort ». Des résultats qui pourraient impliquer une révision de la définition de la mort par l’Organisation mondiale de la santé, actuellement caractérisée comme « la disparition irréversible de l’activité cérébrale ». L’étude a été publiée dans la revue Scientific Reports.

Les scientifiques ont utilisé des tissus cérébraux humains prélevés à des patients souffrant d’épilepsie et ayant subi une chirurgie afin d’atténuer leurs convulsions. Après avoir « simulé une mort contrôlée », l’équipe de Jeffrey Loeb de l’Université de l’Illinois a analysé « l’expression des gènes au cours des 24 heures suivant la mort ».

L’activité des gènes « assurant les fonctions cellulaires de base » est « restée relativement stable pendant 24 heures ». Ceux « étroitement impliqués dans l’activité cérébrale humaine telle que la mémoire, la pensée et l’activité convulsive » ont vu leur activité se dégrader « rapidement » dans les heures qui ont suivi la mort. A l’inverse, l’activité d’autres gènes augmente « fortement », « au fur et à mesure que celle des gènes neuronaux décline ». Un groupe de gènes surnommé « zombies » par Jeffrey Loeb qui sont « spécifiques aux cellules inflammatoires appelées cellules gliales ».

« La plupart des études supposent que tout s’arrête dans le cerveau lorsque le cœur cesse de battre, mais ce n’est pas le cas », souligne Jeffrey Loeb. Pour le chercheur, « il n’est guère étonnant que les cellules gliales continuent à grossir après la mort, étant donné qu’elles jouent un rôle inflammatoire et que leur travail consiste à nettoyer les dégâts après des lésions cérébrales comme une privation d’oxygène ou un accident vasculaire cérébral ».

Une précédente étude de l’Université de Washington, datant de 2016, avait d’ailleurs trouvé des résultats similaires chez les animaux. Les scientifiques avaient notamment montré que plus de 1.000 gènes étaient actifs post mortem, dont certains vingt-quatre voire quarante-huit heures après le décès de l’animal.

 « Lors de la discussion qui a tourné autour de la “mort cérébrale” à partir de 1968, un des arguments présenté avec insistance par ceux qui étaient contre ce concept était que la mort était un phénomène progressif, et que de nombreuses cellules demeuraient vivantes dans les tissus des heures ou des jours après que la mort du sujet eut été déclarée légalement, rappelle Jacques Suaudeau, docteur en médecine et chirurgien, directeur scientifique de l’Académie pontificale pour la Vie jusqu’en 2015, membre du Comité d’éthique du Conseil de l’Europe et du Comité d’éthique de l’Unesco. Au niveau du cerveau on avait montré que des zones entières y demeuraient actives après la mort, en particulier au niveau de l’axe hypothalamo-pituitaire (hypophyse et noyaux gris centraux). Il n’y a donc aucune surprise à ce que Jeffrey Loeb et son équipe de l’Université de l’Illinois aient trouvé une maintenance d’expression des gènes (activité transcriptionnelle) au niveau des neurones, activité qui diminue rapidement en parallèle avec la réduction d’activité postmortem des neurones. » Pour le scientifique, « le surprenant est l’apparition d’un accroissement d’activité de l’astroglie (le tissu de support) (cellules gliales) alors que l’expression neuronale diminue pour disparaitre ». Et « il serait intéressant que l’on fasse une étude semblable sur d’autres tissus ou organes, cœur, rein, tissu adipeux ». Mais, « cette survie cellulaire ne veut pas dire survie d’organes », Jacques Suaudeau.

Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et du Massachusetts General Hospital ont récemment mené une étude sur la possibilité d’utiliser les techniques de deep learning « pour contrôler le niveau d’inconscience des patients qui ont besoin d’une anesthésie pour une procédure médicale ».

Gabriel Schamberg, l’un des chercheurs qui a mené cette étude, explique avoir développé « un réseau de neurones profonds » et l’avoir « formé à contrôler le dosage de l’anesthésique en utilisant l’apprentissage par renforcement dans un environnement simulé ». Les chercheurs ont en particulier examiné le dosage du Propofol, « un médicament qui diminue le niveau de conscience et qui est couramment utilisé pour effectuer une anesthésie générale ou une sédation sur des patients qui subissent des procédures médicales ».

« Les réseaux neuronaux profonds permettent de construire un modèle avec de nombreuses données d’entrée en continu, explique le chercheur, de sorte que notre méthode a généré des politiques de contrôle plus cohérentes que les politiques antérieures », estime-t-il.

L’objectif à terme des chercheurs est d’utiliser le modèle conçu pour « aider les anesthésiologistes à identifier la dose idéale de Propofol pour chaque patient afin d’atteindre différents niveaux d’inconscience ». Un modèle qui n’a pour l’instant été testé que via des simulations. « Nous aimerions maintenant [le] tester sur des humains dans des environnements cliniques contrôlés » a déclaré Gabriel Schamberg.

Sur un autre champ La Cour d’appel de Toulouse s’est prononcée en 2022 sur la filiation d’un enfant engendré au cours d’une relation sexuelle entre sa mère et une femme trans, à savoir son mari ayant obtenu le changement à l’état civil de la mention de son sexe masculin en sexe féminin . 

La Cour ordonne la mention du mari devenu femme trans sur l’acte de naissance de l’enfant comme « mère ».

L’association Juristes pour l’enfance regrette profondément cette décision qui fait prévaloir le désir et la volonté des adultes sur la réalité de la filiation de l’enfant.

La volonté d’une personne de vivre dans le sexe opposé à son sexe biologique relève de sa vie privée, mais n’a aucune légitimité à impacter l’état civil de l’enfant : le fait d’avoir engendré un enfant ne confère pas le droit de trafiquer son état civil pour l’adapter au ressenti personnel du ou des parents, même entériné par l’état civil des intéressés.

Quel que soit le cheminement des personnes et leur ressenti intime, parler d’une femme qui fournit des spermatozoïdes relève de l’utopie. Contrairement à ce que certains voudraient croire et faire croire, car il s’agit bien d’une croyance, une personne qui engendre un enfant en fournissant ses spermatozoïdes dans une relation sexuelle ne peut être que père.

Cette personne peut se présenter dans la vie courante comme femme et même être désignée comme telle à l’état civil, il reste qu’elle a engendré comme père. Tel est le réel.

D’ailleurs, pour les enfants de cette femme trans nés avant son changement de la mention du sexe à l’état civil, la loi est bien claire sur le fait que ce changement n’a pas de conséquence sur leur état civil. Cette femme trans est donc toujours désignée comme père à l’égard de ses enfants aînés, alors même qu’elle se présente au quotidien comme femme. Le bon sens comme la justice imposaient d’appliquer la même solution à l’enfant né après le changement de la mention du sexe à l’état civil.

Dès lors que la justice s’égare à reconnaître comme mère la personne qui a fourni les spermatozoïdes pour la conception de l’enfant, alors que signifie désormais le mot mère ?

Ce n’est pas parce que la paternité et la maternité ne se réduisent pas à la dimension biologique que cette dimension pourrait être déformée. La déformation de la réalité pour faire prévaloir le seul ressenti des parents est une injustice à l’égard de l’enfant qui est privé de la réalité de sa filiation, remplacée par une filiation mythique car issue du mythe d’une femme fournissant des spermatozoïdes.

Juristes pour l’enfance regrette la régression opérée par cette décision dans le respect dû à l’enfant, une fois de plus sommé de s’adapter pour réaliser le projet des adultes. Nous déplorons le choix des magistrats d’entériner l’accord des intéressés au mépris tant de la loi que de la réalité.

La loi de 2016 qui a permis le changement de la mention du sexe à l’état civil sans modification morphologique, permettant la création de situations comme celle jugée à Toulouse aujourd’hui, n’a rien prévu pour les enfants nés après ce changement d’état civil du père ou de la mère. Nous demandons une intervention du législateur pour rétablir les droits et le respect de l’enfant.


Les neurosciences cognitives, autrefois domaine spécialisé de la psychologie et de la biologie, se présentent depuis une trentaine d’années comme une nouvelle science générale du comportement humain, applicable non seulement à la neuropathologie et à la psychopathologie, mais encore à des domaines aussi divers que les comportements sociaux, les émotions, les politiques d’éducation, le droit, ou l’économie. Elles semblent être devenues une expertise indispensable sur un nombre croissant de sujets.

La revendication des neurosciences cognitives à éclairer et à traiter une multitude de problèmes de la vie quotidienne suscite de nombreuses questions : transforment-elles réellement nos représentations et notre compréhension de l’être humain ? Les gens sont-ils en train de se reconnaître ou de s’identifier à travers des jeux de langages cérébraux ou cognitifs, sur le mode « c’est mon cerveau, ce n’est pas moi », et qu’est-ce que cela fait dans leurs vies ? Existe-t‑il des relations causales entre mécanismes cérébraux et pensée ou action ? Y a-t‑il des déterminismes cérébraux qui réduisent la liberté individuelle ? Allons-nous employer les concepts neuroscientifiques et cognitifs comme nous avions pris l’habitude de le faire avec les concepts freudiens ?

Pour expliquer leur succès, les neuroscientifiques mettent en avant les recherches, leurs résultats et leurs progrès. La position stratégique du cerveau pour la définition de l’individu permettrait à la connaissance produite par ces disciplines de comprendre jusqu’aux comportements collectifs et au fonctionnement des institutions de nos sociétés. Les courants critiques des sciences sociales et de la philosophie (se revendiquant généralement de la perspective foucaldienne) prennent pour cible ce réductionnisme qui serait l’expression d’un biopouvoir, lui-même au service du néolibéralisme. Ces courants proclament la naissance d’une « biosocialité » , pensent que « la neurobiologie est indubitablement en train de reconfigurer quelques-unes des manières par lesquels les problèmes individuels et collectifs sont rendus intelligibles » et donc que « la question la plus pertinente à élaborer est de surmonter le fossé entre le social et le neural » .

Pourtant, ni le fossé entre le « neural » et le « social », ni le remodelage de nos formes de gouvernement par les neurosciences ne correspondent à ce qui est train de se passer dans nos sociétés avec les neurosciences cognitives. Quant aux résultats scientifiques, quels qu’ils soient, ils ne suffisent pas à expliquer le succès des neurosciences, leur autorité. Il faut encore que leurs propositions correspondent à des attentes collectives, donc à des idéaux sociaux.

l’ hypothèse est que leur succès tient à l’acquisition d’une autorité morale et sociale. Cette autorité repose sur la transfiguration, dans des langages scientifiques, d’idéaux traditionnels de régularité du comportement infléchis par des idéaux de changement personnel et d’autonomie individuelle qui se sont diffusés à partir du dernier tiers du xxe siècle . Si les neurosciences ont un rapport avec la liberté, c’est du point de vue du sujet capable d’agir de manière autonome. Elles font concrètement travailler des idéaux sociaux puissants et ordinaires qui sont cristallisés ou transfigurés dans des langages scientifiques, ici psychologique et biologique. En effet, les façons de voir les choses en neurosciences cognitives sont, certes, contraintes par les concepts et les méthodes des sciences, mais elles sont aussi imprégnées de valeurs morales, de concepts sociaux ordinaires et d’idées communes – bref, de ce que la sociologie appelle des représentations collectives. En cela réside la valeur heuristique des neurosciences pour une sociologie de l’individualisme contemporain. La nécessité d’une telle approche se fait d’autant plus sentir que ces sciences biologiques et psychologiques traitent directement d’affaires humaines – de comportement, de psychologie, d’esprit, mais aussi de pathologie, de bien-être et de mal-être. Leur succès nous dit quelque chose de nous-mêmes en tant que collectivité humaine.

Il faut donc comprendre comment les vérités scientifiques et les idéaux sociaux ou représentations collectives s’entremêlent.

Deux caractéristiques des publications scientifiques permettent d’avancer une hypothèse globale concernant les idéaux impliqués dans les sciences du comportement et du cerveau.

La première est qu’on s’y interroge assez peu sur le sens de l’existence, en revanche on passe son temps à résoudre des problèmes centrés sur les aspects pratiques de l’existence sociale et personnelle. L’individu, qu’il soit schizophrène, déprimé, hyperactif ou en pleine santé mentale, y est systématiquement présenté en tant que sujet pratique confronté à des problèmes à résoudre, devant faire des choix et prendre des décisions en ajustant des moyens à des fins. Le langage des neurosciences cognitives est un langage de l’action et le sujet de ces sciences est un individu agissant.

Le deuxième aspect est relatif à l’adjectif « scientifique » et à l’idée de nature. Étudier scientifiquement le comportement humain, c’est considérer qu’il fait partie du monde naturel. Mais la question de la nature humaine ne se limite pas au problème de la part entre nature (ou biologique) et culture (ou social). Un autre naturalisme est apparu, à la suite de la révolution newtonienne du xviie siècle, avec la philosophie empiriste qui s’est développée au xviiie siècle au Royaume-Uni. Cette philosophie tire de la mécanique de Newton l’importance de la régularité entre les phénomènes observés et donc de leur prévisibilité et de leur fiabilité qu’ils étendent à la vie en société (la sociabilité) et aux passions humaines, passions qu’il convient de réguler par des mécanismes de conversion permettant d’obtenir un homme régulier, fiable, auquel on peut faire crédit et dans lequel on peut avoir confiance. Pour David Hume, qui domine la philosophie empiriste du xviiie siècle, est naturel ce qui ne dépend pas de la volonté humaine et qui se répète avec régularité. Il s’agit ici d’un naturalisme de la régularité et non du fondement biologique, un naturalisme social.

Pour convertir les passions négatives – les symptômes en langage moderne –, Hume met en avant l’idée d’exercice à travers les notions d’accoutumance et répétition (Traité de la nature humaine, 1739) : les passions négatives (souffrance, emportement, envie, etc.) sont converties par l’accoutumance que procure la répétition : celle-ci crée des dispositions à l’action et la rend plus facile. Les idéaux humiens consistent à penser qu’il est dans la nature de l’homme de se développer en prenant des habitudes par des exercices, habitudes qui vont jusqu’à des automatismes de pensée et de conduite. À travers la mécanique de l’exercice et de l’habitude sont ainsi transfigurés des idéaux de régularité, de fiabilité, de confiance, idéaux qui avaient plus d’importance au Royaume-Uni qu’ailleurs en Europe, étant donné le développement très avancé du commerce, de la bourse et du capitalisme. Dans cet entrelacement apparaît une figure fondamentale de l’individualisme démocratique, celle de l’individu ordinaire en tant qu’homme d’action qui, créateur de valeurs, augmente sa propre valeur par le travail et l’échange. Ces idéaux permettent un autoagrandissement régulé. Voilà l’idée sociale découverte outre-Manche.

La philosophie empiriste est ainsi l’expression d’une sensibilité collective dans laquelle apparaît un aspect peu vu par rapport aux idéaux d’autoréflexion qui caractériseraient l’individu moderne : il s’agit d’un mode de vie pour lequel la socialisation par des mécanismes ou des automatismes est une idée-valeur fondamentale, et qui répond à des problèmes ayant surgi de façon privilégiée dans la société britannique.

La conception du social relève également d’une socialisation par des automatismes. La convention humienne a pour exemple paradigmatique les rameurs qui s’ajustent l’un à l’autre sans qu’un pacte ait été conclu (on est à l’opposé de l’idée d’un contrat social), et réalisent un effet coopératif. Les conventions se forment tacitement dans les interactions quotidiennes par des attentes réciproques constituant des enchaînements de causes et d’effets. Les interactions sociales, étant indépendantes de nos pensées et de nos raisonnements, sont naturelles. Elles régulent les passions par les influences mutuelles en les transformant en expériences qui mûrissent l’homme.

Du comportementalisme vers 1900 aux neurosciences cognitives de la fin du xxe siècle, les psychologies scientifiques se sont inscrites dans cette tradition à travers deux aspects. Le premier est qu’elles ont développé des techniques psychothérapeutiques se référant au couple exercice/aisance qui occupe une place centrale. Répétition, aisance, habitude, exercice pour faciliter l’action en convertissant des passions négatives en passions positives, tels sont les ingrédients qui composent ces psychologies. Ces sciences ont dessiné notre figure de l’homme fiable, et c’est là qu’elles répondent à des attentes collectives. Leurs pratiques cherchent plus à rendre l’individu à l’aise qu’à chercher le sens des relations, qu’à les rendre intelligibles, comme dans le cas des thérapies psychodynamiques ou psychanalytiques. Il faut d’ailleurs voir dans ces deux ensembles de pratiques deux grandes manières de refaire son être moral dans les sociétés individuelles de masse, les unes faisant appel à des formes de réflexivité et s’adressant à l’individu en tant que sujet total, les autres à des formes d’exercice et s’adressant au sujet pratique.

Le second aspect est que ces idées se sont développées dans le concept de comportement aux États-Unis à partir du début du xxe siècle. Le mot « comportement » a connu trois moments entre son introduction et les années 1970. Le premier est représenté par le comportementalisme dont la question clé, symbolisée par la polarité stimulus/réponse, est de comprendre comment un être humain est façonné par son environnement. Le second temps est celui de l’émergence des sciences sociales du comportement (Behavioral Social Sciences) et de la psychologie cognitive au cours des années 1940 et 1950 qui, à l’inverse du comportementalisme, sont un « mentalisme » radical. Le troisième temps est marqué par l’intégration dans la psychologie scientifique du nouvel individualisme émergeant au cours des années 1960 : la régulation du comportement s’infléchit vers l’autorégulation et l’accomplissement personnel.

Le comportementalisme était un projet d’ingénierie sociale organisé autour de la prédiction et du contrôle et centré sur l’apprentissage et la mémoire. L’idée fondamentale était que les organismes (animaux ou humains) apprennent à résoudre des problèmes par essais et erreurs et non par une compréhension de leur environnement. L’apprentissage consistait à ajuster le comportement par des actes répétitifs de telle sorte que l’organisme finisse par donner les bonnes réponses aux stimuli et que celles-ci s’inscrivent dans sa mémoire. Il « fut, par-dessus tout, comme l’écrit un historien de la psychologie, un environnementalisme radical, qui investissait l’homme de la capacité à fabriquer et à former son propre monde, libre de l’autorité de la tradition et des impasses du passé » (Buckley, 1989, p. 148). L’outil représenté par le système stimulus/réponse avait l’immense avantage de fournir des moyens simples non seulement pour ajuster l’homme à un environnement instable en le dirigeant de l’extérieur, ce qui séduisit l’industrie, mais encore pour réformer un environnement nuisible ou défavorable, ce qui séduisit les partisans des réformes sociales.

Deuxième temps, à partir des années 1940-1950, il s’agit pour les nouvelles sciences du comportement, la théorie du choix rationnel et la psychologie cognitive, à l’inverse du béhaviorisme, de saisir la façon dont l’individu façonne son environnement par ses choix, ses décisions, son intelligence, sa rationalité tout en restant façonné par lui, ce qu’on appellera son système cognitif. La représentation de l’individu est celle d’un citoyen du monde libre, qui choisit et prend des décisions, dont le modèle est l’intelligence du scientifique, incarnation des valeurs de la raison.

La question du genre de personnalité que l’on souhaite favoriser devient une question politique et scientifique majeure dans le nouveau contexte à la fois de victoire contre le totalitarisme nazi et de guerre froide avec le communisme : le seul ajustement à la société n’est plus acceptable si s’ajuster au totalitarisme et à la démocratie est susceptible de signifier la même chose. Il faut une théorie solide de la nature humaine pour affronter la théorie de la malléabilité infinie de l’homme défendue par le totalitarisme . Entre l’avant-guerre et l’après-guerre, le système d’attentes à l’égard de l’individualité n’est plus tout à fait le même.

Dans le contexte de bascule des années 1940-1950, les sciences comportementales déplacent la conception de l’homme dirigé de l’extérieur vers celle de l’homme dirigé de l’intérieur, et structurant son environnement grâce à des « modèles internes » auxquels est associé un tout nouveau concept : le « programme » informatique, qui transforme le concept d’ordinateur d’un instrument de calcul à un instrument de résolution de problèmes. Le thème du contrôle est reconfiguré à travers le problème du choix et de la décision, d’une part, de l’intelligence et de la « rationalité limitée » (concept qu’on doit à Herbert Simon), de l’autre. Entre les stimuli et les réponses, les nouvelles sciences de la nature humaine introduisent donc une double médiation : l’intelligence, à travers l’adjectif « cognitif », et la liberté, à travers les substantifs de « décision » et de « choix ». Deux personnages donnent figure à ces idéaux : le scientifique et l’homme économique. Ils sont tous deux des modèles de la nature intelligente de l’homme, en tant qu’ils sont, d’une part, des sujets pratiques, cherchant à résoudre des problèmes, rationnels, au sens de réflexifs, qui se donnent un but et les moyens de l’atteindre, et des sujets démocratiques, rationnels cette fois au sens de libres.

Troisième temps du comportement, à partir de la fin des années 1960, moment où les idées de contrôle des comportements deviennent suspectes, la psychologie cognitive fait, quant à elle, feu de tout bois pour équiper l’individu dans la poursuite de ses propres buts. L’idée de diriger l’individu de l’extérieur par la « main visible » des experts ne peut plus être un modèle adéquat de la conduite rationnelle ordinaire. En 1969, le psychologue Georges A. Miller, le « pape » de la Révolution cognitive, prononce son adresse présidentielle au congrès de l’Association des Psychologue américains. Il indique le nouveau ton : « Au lieu de répéter constamment que le renforcement conduit au contrôle, je préférerais souligner que le renforcement conduit à la satisfaction et à la compétence. Et je préférerais considérer la compréhension et la prédiction […] non en termes de contrainte exercée par une élite puissante, mais de diagnostics de problèmes et de développement de programmes pouvant enrichir les vies de chaque citoyen » . Le contrôle est désormais non le contrôle du comportement de l’ingénierie sociale, mais celui que chacun doit pouvoir exercer sur sa propre vie pour s’accomplir.

Les idéaux de régularité sont en effet renouvelés à partir des années 1960-1970, moment où nos sociétés entrent dans une nouvelle dynamique dans laquelle tout ce qui concerne l’autonomie individuelle devient la valeur suprême. C’est le moment où de nouvelles représentations collectives amorcent leur ascension. Elles font de la liberté de choisir et de la propriété de soi une valeur essentielle, elles favorisent une puissante dynamique de diversité normative et de multiplication des styles de vie, elles valorisent l’initiative individuelle, l’innovation et la créativité à un degré inconnu jusqu’alors. Tous ces idéaux placent l’accent sur la capacité à agir de l’individu. Nous sommes entrés dans un individualisme de capacité imprégné par les idées, les valeurs et les normes de l’autonomie. Il s’agit d’un changement de l’équation personnelle.

AUTONOMIE ET POTENTIEN CACHE

Un des plus puissants et des plus ordinaires idéaux de l’autonomie est ce que j’appelle l’idéal du potentiel caché, c’est-à-dire l’individu capable, quels que soient ses handicaps, ses déviances ou ses pathologies, de s’accomplir en transformant ses handicaps en atouts. Il constitue un idéal d’action associant les traditionnelles vertus de courage à celles, plus nouvelles, de la créativité et consistant à socialiser un mal incontrôlable, à en faire une forme de vie. Cet idéal est la forme sociale spécifique par laquelle des personnes diagnostiquées malades, handicapées ou déviantes, traitées jusqu’alors au sein d’institutions que le sociologue Erving Goffman a appelées des « institutions totales » , sont devenues des individus capables de connaître des accomplissements dans la vie sociale.

Il faut une figure sociale pour donner corps à ces idées, une figure d’identification. C’est dans l’autiste de haut niveau que ces idéaux se montrent de manière exemplaire. L’autiste de haut niveau est passé des fins fonds de l’arriération mentale au statut de super individu. Cette figure possède la particularité d’exemplifier un type d’individu affecté à la fois de handicaps majeurs et d’atouts majeurs. Elle nous permet d’élaborer sur nos capacités et compétences : non plus normal et pathologique, mais, dans le langage des militants de l’autisme, la neurodiversité qui promeut l’idée qu’il existe des compétences typiques et d’autres, atypiques, montrant ainsi la richesse de la diversité des individus et soulignant que chacun dispose d’atouts quels que soient ses handicaps.

Il faut des idées, nous les avons avec les psychologies scientifiques, nous disposons également d’une figure symbolique, il faut encore une neurophysiologie. Pour résumer brutalement le mouvement, on est passé au cours de la deuxième moitié du xxe siècle d’un cerveau-réactif (qui réagit aux stimuli du monde) à un cerveau-agent (qui agit sur le monde et le façonne). Le cerveau qui se construit à partir des années 1950 est progressivement conçu comme un système dynamique auto-organisé, qui se déclenche de lui-même, indépendamment de stimuli venant de l’extérieur de l’individu, un cerveau-agent. Il permettra d’expliquer à la fois comment l’être humain agit et comment il apprend et change. Cette condition d’indépendance à l’égard du monde extérieur est au cœur de la visée des neurosciences cognitives : si l’on peut prouver que le cerveau meut de lui-même un être qui agit dans le monde, et pas seulement un être qui se contente de réagir, alors on aura sérieusement avancé dans la connaissance de l’homme à partir de son cerveau. Le nouveau cerveau n’a pas pour modèle l’obéissance disciplinaire, avec une direction centrale distribuant ses ordres comme un ingénieur taylorien – c’est là le cerveau-réactif. Il se déclenche de lui-même de manière proactive, il est capable de faire des hypothèses, de simuler l’action et de s’en représenter les conséquences.

L’acquis conceptuel majeur de ce traitement physiologique au cours de la deuxième moitié du xxe siècle est la capacité du cerveau à se modifier de lui-même tout au long de la vie de l’individu, grâce à la croissance neuronale et à un concept biologique clé, lancé par le neuropsychologue Donald Hebb en 1949, celui de plasticité synaptique. Celui-ci permet de comprendre le mécanisme biologique réel au fondement des pensées, tout en montrant un cerveau capable de changer de lui-même, un cerveau-individu. Sur lui va s’investir une valeur sociale fondamentale : la capacité infinie de l’individu à être l’agent de son propre changement. La plasticité synaptique est le concept carrefour où convergent à la fois les acquis les plus convaincants de la recherche biologique, les représentations collectives de l’homme d’action autonome.

La question clé est : comment rendre compte, en physiologiste, de la volonté en tant que celle-ci déclenche l’action ? En physiologiste, cela implique que l’action est abordée comme un mouvement volontaire, donc que son fondement neurobiologique est moteur. L’enjeu se ramène au problème suivant : l’action est-elle nécessairement une réponse motrice à un stimulus sensoriel externe – renvoyant à un cerveau qui réagit – ou existe-t‑il un système d’activation interne qui soit le correspondant de la volonté – faisant apparaître un cerveau de l’action ? La recherche montrera que la deuxième option est la bonne.

Il faudrait décrire comment tout cela s’est élaboré, mais je vais simplement me concentrer sur un concept biologique clé des neurosciences, un des concepts les plus populaires, celui de plasticité cérébrale pour montrer comment le biologique et le social s’intriquent.

Le concept de plasticité explique comment le cerveau se modifie de lui-même en fonction de l’expérience. Son mécanisme biologique est la transmission synaptique entre deux neurones ; c’est donc un problème de connexion. Le renforcement des connexions entre cellules se produit donc au niveau des synapses qui croissent, l’activité coïncidente de deux cellules entraînant des changements structurels, c’est-à-dire des traces permanentes dans le cerveau. Biologistes et psychologues ont trouvé dans cette idée les bases neurales de l’apprentissage et de la mémoire. Avec la transmission et la plasticité synaptiques sont non seulement démontrés la capacité du cerveau à se transformer (à transformer son organisation) en fonction des besoins de l’individu, mais encore le caractère à la fois modulaire et distribué des fonctions du cerveau.

Sur ce concept biologique s’est investie la valeur sociale fondamentale du potentiel caché : la capacité de l’individu à être l’agent de son propre changement, c’est-à-dire à se transformer de lui-même en prenant de nouvelles habitudes, et cela à tel point que l’on confond la plasticité cérébrale et la plasticité au sens de l’éducabilité de l’individu ou de ses capacités à changer

À travers l’usage extensif de la plasticité cérébrale, la leçon sociale que délivrent les neurosciences cognitives est que le cerveau, donc l’individu, dispose toujours de ressources, grâce à la plasticité cérébrale, pour que l’individu puisse trouver une solution – créative – à ses problèmes et qu’il ne faut pas désespérer de la nature sur laquelle, au fond, on peut toujours compter pour rebondir. Elles montrent un cerveau possédant une telle souplesse de fonctionnement que l’individu doit toujours être capable de surmonter la réduction normative causée par le mal, grâce à une création qui correspond à ses besoins – c’est le cerveau du potentiel caché illustré au travers de l’autisme. Le concept biologique de plasticité cérébrale se fond dans la représentation collective de l’autonomie, il cristallise la capacité de l’individu à changer de lui-même, activant ainsi l’un d’un des idéaux les plus ordinaires et les plus valorisés, consistant à affirmer qu’il existe toujours, logées au fond de soi, des ressources pour s’en sortir. Voilà d’où les neurosciences tirent leur autorité morale : d’alimenter des croyances collectives auxquelles nous accordons la plus haute valeur avec les ressources démonstratives inégalées de la science.

Nous découvrons un système d’idées-valeurs qui incite l’individu à découvrir ses forces dissimulées derrière le symptôme, la maladie ou le handicap. Les neurosciences et les sciences comportementales nourrissent un optimisme de l’action en démontrant que l’être humain peut toujours dépasser ses propres limites et que personne n’est condamné par un déterminisme quelconque, qu’il soit biologique ou social. La référence matérialiste à la base biologique, à l’assemblage neuronal, à l’infrapersonnel, participe de nos idéaux de maîtrise de soi et de relations sociales stables non parce que nous en connaîtrions désormais assez sur les mécanismes neurobiologiques, mais parce qu’elle alimente notre idéal commun et ordinaire de la transformation personnelle en transfigurant nos concepts sociaux de régularité, de prévisibilité, de constance et de confiance les plus valorisés dans un langage scientifique.

Se revendiquant d’un naturalisme du fondement biologique, dont les mécanismes causant des pathologies mentales et des comportements sociaux restent à ce jour à l’état d’hypothèses scientifiques plus ou moins plausibles, voire de spéculations philosophiques, les neurosciences cognitives transfigurent bien plus sûrement un autre naturalisme qui est au cœur d’idéaux communs essentiels de la modernité individualiste, essentiels parce qu’ils sont les conditions pour que les hommes et les femmes agissent en individus sociables (régularité, exercice, habitude, confiance, coopération, capacité à se mettre à la place d’autrui, etc.) et que puissent se développer en même temps des formes d’autoagrandissement régulées. Les neurosciences cognitives sont devenues un des grands récits de l’individualisme contemporain en associant les idéaux de régularité à ceux de l’infinie possibilité à changer et à innover. Elles se situent ainsi au centre d’attentes morales et sociales qui se diffusent massivement dans nos sociétés au cours du dernier tiers du xxe siècle auxquelles elles répondent par un ensemble de pratiques organisées sur l’exercice. Elles apportent à ces idéaux (par la légitimité dont bénéficient les sciences qui, elles, fournissent des preuves – notamment, expérimentales – étayant leurs propositions) les promesses d’un développement illimité des capacités humaines. Tel est l’horizon d’attentes qu’elles suscitent et d’où elles tirent une bonne part de leur autorité.

Publié par faitetafaire1128

Qui suis -je ? Trop vaste question pour moi et pour vous. je suis un peu celui qui se refuse à s'en remettre aux autre sans comprendre par soi même . Je suis celui qui aime les personnes mais s attache peu au genre humain. Je suis un enfant des trains électriques, des petits cyclistes , qui allait voir décoller les avions au Bourget avec son père. Je suis un fils d'immigré républicain espagnol qui aime la France mais se désole du refus de mes contemporains d être ce que nous sommes, c est à dire une civilisation judéo chrétienne accueillante mais intransigeante sur l art de vivre à la française qui reste notre seul héritage. J aime la pensée, la philosophie , mais aussi la spiritualité qui forge les cultures. j espère que mes petites lucarnes , plus ou moins régulières- travail et ultra trail oblige- vous feront plaisir.

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