AUTONOMIE ET TRAVAIL

Cet article à pour objectif de présenter des théories différentes sur l’organisation du travail et le mode de production.

Chacun sent bien que le paradigme fordo-keynésien, à l’origine de notre organisation sociale et juridique, et le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), entendu comme lien « éternel » avec l’employeur, ne sont aujourd’hui plus la norme. De fait, la figure du salarié subordonné, conçue pour la production industrielle de masse, est devenue juridiquement inadéquate.

Le travail est omniprésent dans nos sociétés, même s’il ne s’intègre pas nécessairement dans une logique d’emploi. Il ne s’agit donc plus seulement de répartir la richesse produite par le travail, mais bien de rémunérer l’activité.

Des lors comment ne pas basculer soit vers une vision libérale qui avance que désormais la dépendance économique, et non plus la subordination juridique, est le critère distinctif entre les travailleurs. S’en suit une fiction sur l’ « horizontalisation » du mode de management qui permet aux salariés d’être de plus en plus autonomes. Alors même que de nombreux travailleurs indépendants sont en situation de dépendance économique vis-à-vis d’un seul donneur d’ordre et donc en position de « quasi-subordination ».

La solution libérale est simple garantissons un niveau minimum de survie, supprimons les aides et basculons vers un impôt sur le revenu négatif, plus on gagne d’argent moins on paye d’impôt. Arrêtons de socialiser ou étatiser les revenus , l’individu autonome doit être maître de ses choix. Ce modèle plait énormément à Usine Nouvelle et Gaspard Koening: laissons les entrepreneurs s’enrichir et les autres qu’ils travaillent comme ils peuvent ils auront toujours un revenu de base.

Une autre vision socialiste prône le revenu universel comme une jouissance autonome de soi même mais au bout du compte le travail salarié reste identique dans son rapport de subordination et surtout la richesse produite par le travail n’est pas compensée.

L’enjeu est anthropologique : les travailleurs sont-ils des « individus libres » (c’est-à-dire sans ressources) sur le marché du travail, ou sur celui des biens et service s’ils sont indépendants, voué dans les deux cas à dépendre de la logique capitaliste ? Ou bien sont-ils dotés, en tant que personnes adultes, que citoyens, d’un droit politique au salaire à la qualification personnelle reconnaissant (avec d’autres droits à conquérir s’agissant de la propriété de l’outil de travail) qu’ils sont les seuls producteurs de la valeur ? Du coup, qu’est-ce que veut dire «aller plus loin qu’en 1946 » ?

L’enjeu de classe aujourd’hui n’est plus de transformer l’infra-emploi en emploi, comme en 1910, mais de s’appuyer sur l’au-delà de l’emploi qui a été initié dans les conquis de la seconde partie du siècle dernier. Les combats syndicaux ont permis de faire des personnes, et non plus des postes de travail, le support des trois droits qui définissent l’emploi. Ces droits attachés à la personne doivent être généralisés à tous les adultes comme outils d’affirmation de la souveraineté des travailleurs sur le travail et sur les temps sociaux, ceux du travail comme ceux de la famille, de la militance, de la gratuité, du loisir, car – associés à cette conquête collective de la souveraineté sur le travail – ils permettront des trajectoires personnelles et un arbitrage quotidien entre les temps sociaux autrement plus souples et ouverts qu’aujourd’hui.

Le salaire à vie proposé par l’économiste et sociologue Bernard Friot entend renverser la logique classique qui relie emploi et salaire en proposant que les individus se voient conférer, à leur majorité, une qualification donnant droit à un salaire, et ce, quelle que soit leur activité.

Arrêtons nous sur cette idée.

Le salaire à vie existe même déjà. B. FRIOT qualifie ainsi les fonctionnaires de dernier bastion du salaire à vie, puisque le salaire dans la fonction publique n’est pas rattaché à leur productivité mais bien à leur personne, leur statut. Les fonctionnaires sont donc rémunérés au nom de leur utilité pour la société et non selon une logique purement économique; il en est de même pour les retraités aussi .

Bernard Friot propose donc de généraliser ce modèle et d’offrir à l’ensemble des travailleurs, les droits et les protections dont bénéficient les fonctionnaires et les retraités, à commencer par l’assurance d’avoir un travail.

Car c’est bien l’un des questions fondamentales auxquelles le salaire à vie entend répondre : celle du chômage de masse et de longue durée, pris aujourd’hui comme une fatalité, dans un système économique qui le produit et le légitime.

Pour financer ce système économique, Bernard Friot propose de placer l’intégralité de la valeur ajoutée produite par les travailleurs, dans une série de trois caisses, la première dédiée aux salaires, la deuxième à l’investissement, la troisième au financement de services publics gratuits.

Ce ne seraient donc plus les entreprises qui paieraient les salaires, mais bien une caisse sociale, alimentée grâce à la richesse produite par l’ensemble de l’économie. Une rupture fondamentale puisqu’elle permet de remettre en cause les logiques de pouvoir, inhérentes au marché du travail.

D’autant que, contrairement aux théories classiques, le marché du travail n’est pas le simple lieu de rencontre de l’offre et de la demande. Ce n’est pas un dispositif, neutre, de mise en relation des agents économiques. C’est avant tout une institution, avec ce qu’elle comporte de règles et de rapports de pouvoir.

Il présente donc son projet d’un salaire inconditionnel à partir de la majorité avec une échelle de revenus qui serait de 1 à 4 soit, 1500 à 6000euros net par mois.  Cela représenterait certes un moteur d’une véritable révolution, toutefois il serait raisonnable de ressentir un léger scepticisme. Comment imaginer la possibilité de se libérer de la convention capitaliste du travail ? Pour résumer, l’économiste définit notre place au sein du système capitaliste comme nous réduisant, nous salariés/ futurs salariés au rang de marchandise que l’on échange sur le marché du travail. Alors que le salaire à vie postulerait quant à lui à une vision sur laquelle le salaire et la qualification viendrait récompenser notre capacité à participer à la chose publique.

Cet auteur marxiste et penseur critique cherche à dégager l’idée selon laquelle le salaire deviendrait donc un vrai droit politique – « non au chantage à l’emploi ! Les jeunes veulent produire autrement ! » – car l’État pourrait récupérer son capital, comme il le dit lui-même : « son dû ». Il révèle avec colère la dangerosité de l’économie collaborative qui n’est pas la bonne solution. Il évoque ici les nouvelles entreprises qui émergent dans le marché telles que Airbnb, Blablacar, Uber, qui ont développé un business model de plate-forme qui réunit producteur et consommateur dans un même environnement. Ce modèle se distingue de celui de « tuyau » traditionnel où l’entreprise produit un service qu’elle vend ensuite au client. Les actionnaires de ces plateformes sont seulement rentiers et se libèrent de toutes charges contrairement aux entreprises traditionnelles. Outre les structures traditionnelles qui crient à la distorsion de concurrence parce que les nouveaux entrants ne payent pas les mêmes charges.Car s’il permet davantage de flexibilité, il semble prendre ses aises avec le code du travail. Les nouveaux venus ont ressuscité le bon vieux travail à la pièce ! La qualification de « collaborative » reste dérisoire et obsolète car ces nouvelles manières d’économie de particulier en particulier est en loin d’être le système que Friot veut défendre, en raison du peu d’emploi qu’ils génèrent. Un rapport prédit la création de 2 millions d’emplois contre 7 millions supprimés d’ici 2020 avec le développement de ces entreprises collaboratives ainsi que la robotisation.

Bernard Friot souligne, en effet, que la maîtrise de l’investissement est le mot d’ordre  afin de se débarrasser des prêteurs, des crédits. Pourquoi crédit ? Car les actionnaires sont les propriétaires directs, et dans la même logique, les prêteurs proposent des crédits alors que leur est attribuée une marge non négligeable du PIB. La seule alternative serait donc « l’idée d’un auto-entrepreneuriat dans lequel vient celui du revenu de base qui serait compléter par les revenus de l’entreprise », qui impliquerait une épreuve de qualification avec quatre niveaux et un plafond. Ce système existe déjà en effet chez les 5 millions de fonctionnaires. De plus l’idée de produire un niveau de valeur suffisant afin de socialiser les salaires par les caisses a toujours fonctionné et connaît encore une certaine pérennité aujourd’hui. Par exemple en 1956 avec la création du régime général, la création du statut de la fonction publique, le régime général de la sécurité sociale, qui représentent aujourd’hui une autre matrice du travail.

Bernard Friot évoque alors l’apparition d’un nouveau droit politique exprimé par le salaire à vie, destiné à tous les résidents français à partir de la majorité, qui deviendrait ainsi une composante de la citoyenneté au côté du droit de suffrage. Ce qui impliquerait un redressement certain du statut de la citoyenneté « sociale » qui connaît, en l’occurrence,  aujourd’hui une réduction notable. Robert Castel un spécialiste de la condition salariale  argumente de façon explicite cette baisse de reconnaissance démocratique et sociale corrélée par la hausse des risques économiques dans l’institution du travail. Son explication principale est de démontrer la répercussion économique qu’engendre la crise, un perturbateur sévère de la légitimité démocratique. Il fait référence à un compromis établit entre le modèle économique de la société établit par l’État et une entreprise sociale qui ont garantie progressivement des droits « de bases nécessaires » à chaque citoyen travailleurs dans le but de conserver un système d’échange préservant un semblant de parité. Et que celui-ci, est justement affaibli par la monté du chômage et la précarité qui déclenche des répercussions sur le statut du travail ainsi que sur la citoyenneté elle même. Il prémédite une baisse de la légitimité démocratique en avançant l’argument selon lequel les citoyens perdant leur statut social,  leur destin politique est alors dénué d’intérêt, ils ne pourront plus participer à la vie sociale. C’est pourquoi la montée du chômage provoque un péril démocratique considérable dont Bernard Friot entend défendre la manière pour en faire barrage en construisant « une citoyenneté de la souveraineté de la valeur ».

En outre, son idée charrie une critique du marché qui fait beaucoup de bien a notre époque dans laquelle le discours dominant fait persister sur les individus une pression monstrueuse au point que nombreuse sont les jeunes de notre génération, qui sont en train d’élaborer des stratégies pour échapper au marché du travail. Ce penseur critique nous expose un projet cohérent voire même une alternative. La question que se pose ici est comment abolir le marché du travail ? Étant sous l’égide du capital enseigné comme valeur et intériorisé par tous dans le seul but de subvenir a la survit. La thèse de Friot implique donc une déconnexion du salaire a l’emploi. En effet, la bataille à l’emploi est perdue d’avance et le plein emploi possible semble rester dans les champs utopiste. La première étape à franchir, selon lui, serait donc de se débarrasser de la propriété lucrative. C’est-à-dire les actionnaires, ceux qui possède les grandes entreprises et qui ont pour seul but de dégager des dividendes. Ce qui implique a fortiori à la fragmentation d’un gros pourcentage dans le PIB du pays-700 milliards, en sommes la marge des propriétaires, revenant à la base aux propriétaires lucratifs– qui reviendrait dans une caisse commune destinée aux salaires de chaque citoyen.

Ce système précurseur, se baserait en tout et pour tout sur un mot : la COTISATION. Comment fonctionnerait cette cotisation ? Par exemple une entreprise verserait directement dans une caisse chargée de rémunérer les salaires en fonction de leur qualification.  Mais que toute la valeur ajoutée de l’entreprise soit également socialisée. Ce raisonnement nous pousse donc à nous interroger sur le sort de ce qu’on appelle communément : le profit ? Qu’adviendrait il ? Il dit de « maîtriser l’investissement », voilà ce que répond Friot, étendre la socialisation de la valeur en la maîtrisant elle et la production. Les entreprises s’auto-financeraient grâce à la marge de valeur qu’elles dégagent, autrement dit : le profit. Il oppose donc dans cette logique la propriété lucrative à celle de l’usage. Tous les employés d’une boite seraient donc copropriétaires de celle-ci. Le devenir autonome et responsable reste cependant très éloigné de nos conceptions habituelles

Cette conception humaniste reconnaîtra donc le salaire comme un travail et non le contraire. En guise d’illustration prenons le travail domestique, il sera quant à lui comptabilisé dans le PIB en produisant de la valeur. Nous comprenons dans cette conception un démantèlement total de la conception social actuelle. Attention on ne parle pas de revenu de base mais d’un salaire à vie dans lequel est exprimée la reconnaissance d’un travail, d’une production de valeur. Les entreprises cotiseraient à une caisse qui paiera tous les travailleurs y compris ceux qui n’ont pas d’emploi. Tout en incorporant une possible progression en qualification qui ira jusqu’à 6000 euro net, 30% serait conservé au PIB vers l’investissement, autrement dit aujourd’hui déjà ¼ du PIB est affecté à la santé et à la pension sans passer par la propriété lucrative.  En outre, un système d’investissement qui produirait plus de travail et de la production de valeur économique dont le capitale-dividende, frais des entreprises contractées auprès des prêteurs- seraient supprimés. Par exemple, la création du CHU a su augmenter les cotisations dans les caisses de la sécurité sociale et subventionner l’investissement qui a, par la suite, généré une valeur supplémentaire allant directement au fond de caisse commune.

Cette initiative casserait sans nul doute le lien entre revenu et travail et donnerait à chaque personne une place dans la société qui ne serait pas forcément liée à une activité rémunérée.

A suivre

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Publié par faitetafaire1128

Qui suis -je ? Trop vaste question pour moi et pour vous. je suis un peu celui qui se refuse à s'en remettre aux autre sans comprendre par soi même . Je suis celui qui aime les personnes mais s attache peu au genre humain. Je suis un enfant des trains électriques, des petits cyclistes , qui allait voir décoller les avions au Bourget avec son père. Je suis un fils d'immigré républicain espagnol qui aime la France mais se désole du refus de mes contemporains d être ce que nous sommes, c est à dire une civilisation judéo chrétienne accueillante mais intransigeante sur l art de vivre à la française qui reste notre seul héritage. J aime la pensée, la philosophie , mais aussi la spiritualité qui forge les cultures. j espère que mes petites lucarnes , plus ou moins régulières- travail et ultra trail oblige- vous feront plaisir.

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