W comme WABI-SABI

Dictionnaire amoureux

L ‘esthétique japonaise tient une grande place à la fois dans mes réflexions visant à promouvoir une modernité apaisée mais également dans ma vie quotidienne et mes affections.

Le japon un peuple de sergent esthète , voila comment Claudel définissait cette nation.

Les deux premiers principes esthétiques, et possiblement les plus importants à mes yeux, sont ce que les japonais nomment « wabi » et « sabi »; on parlera même de « wabi-sabi », du fait qu’ils sont intimement liés. Les principes de Wabi-sabi sont représentatifs d’un esprit esthétique qui désire transcender les choses, les êtres, les événements et l’existence. Wabi fait référence à ce qui est impermanent, imparfait et incomplet. Les phénomènes de la nature sont éphémères , la fleur qui fane est imparfaite , un arbre qui pousse de façon irrégulière; toute plante n’est jamais parfaite naturellement, sa forme peut être incomplète, irrégulière. C’est dans cette imperfection que la beauté de la nature s’exprime. Wabi fait ainsi référence à ce qui est simple et rustique; le terme est même traduit par « tranquille simplicité », cette simplicité naturelle intouchée par la main de l’homme. Il s’exprime par la création d’œuvres simples, naturelles, imparfaites, si ce n’est incomplet, expression qui se situe entre le vécu et le néant.

Pour sa part, sabi fait référence au fait que tout s’use, vieillit, change avec le temps, évolue, se détériore, tel un arbre qui vieillit, une vieille statue de bronze dans laquelle on voit les signes du temps, un vieux temple dont le bois se détériore. On retrouve ce principe dans la construction de jardin et en architecture. Un nouveau jardin japonais n’est jamais beau à ses débuts. Il est conçu de façon à lui permettre d’être modifié par l’homme pour l’améliorer, mais aussi pour qu’il subisse les effets du vieillissement. Ceux qui voit les kokeshi traditionnelles neuves ont sûrement constaté qu’au début c’est une pièce qui n’avait aucun « vécu ». Si on regarde la même pièce mais produit 50 ans plus tôt, on sent ce vécu, ce passage du temps qui le rend de plus en plus beau. Sabi fait aussi référence aux cycles naturels de la vie organique, aux événements qui vont et viennent spontanément, ainsi qu’à l’état du corps après que l’esprit l’ait quitté. Wabi est indicatif d’une indépendance matérielle face à la vie, alors que sabi est indicatif d’une indépendance psychologique et spirituelle. Avec wabi-sabi, on parle même d’une esthétique de la solitude. Compte tenu que rien n’est parfait, que tout se désagrège avec le temps et que nous ne possédons rien, ce principe fait écho à la nostalgie, à la solitude, mais à une solitude intérieure. Une illustration du wabi-sabi pourrait être le culte esthétique pour les pierres.

Ethique qui apparaît au XII siècle, elle prône le retour à une simplicité, une sobriété paisible pouvant influencer positivement l’existence, où l’on peut reconnaître et ressentir la beauté des choses imparfaites, éphémères et modestes. Dans la cérémonie japonaise de thé, les tasses utilisées sont souvent rustiques et simple avec les formes qui ne sont pas tout à fait symétriques et les couleurs ou les textures qui semblent souligner un modèle non raffiné ou simple. En réalité, les tasses peuvent être tout à fait précieuses .Par sa connaissance et sa capacité d’observation c’est au participant de noter et discerner les signes cachés d’une conception ou d’un lustre véritablement excellent (apparenté à l’aspect d’un diamant dans le rugueux).Wabi-sabi est en général qualifié comme la beauté, rustique, des choses :

Trois dimensions le caractérise:

-Imparfaites, impermanentes et incomplètes;
-Modestes et humbles;
-Non conventionnelles.

Nous retrouvons aussi deux autres principes qui sont exprimés lorsqu’on voit quelque chose d’esthétiquement beau. Ce sont shibui et kokoro. Shibui est un qualificatif qui se réfère à l’apparence et au caractère des choses. En Occident, on dira que quelque chose est esthétiquement beau lorsqu’il est de « bon goût », alors qu’au Japon on dira shibui. Toutefois, une œuvre d’art est shibui si elle démontre un sens du wabi-sabi, une sobriété, une simplicité et une harmonie naturelle dans ses formes. Une œuvre d’art sera considérée shibui lorsqu’elle nous touche sensuellement, intérieurement. Kokoro, pour sa part, se traduit par « cœur ou âme intérieure » .Il est utilisé en référence à l’état d’âme et à la qualité esthétique de ce qu’exprime l’artiste dans ses œuvres, que ce soit un artisan, un musicien, un acteur, par exemple. Notre rencontre avec l’esthétique japonaise nous conduit également vers l’expression mono no aware qui désigne la beauté des choses éphémères. C’est cette sensation qui s’exprime notamment dans les kokeshi aux couleurs passées, effacées. La beauté de ses poupées, des fleurs peintes, des rokuro, ne peut qu’évoquer la nostalgie car elle est vouée à disparaître. Cette beauté des choses éphémères est difficile à percevoir pour un européen, car on cherche plutôt à distinguer, séparer, conceptualiser là ou la kokeshi est une méditation sans fin entre le passé et le présent, le sentiment de perte. Cette beauté qui provoque une forme de nostalgie « le retour au pays » est étroitement liée à la brièveté de l’éclat des couleurs. La plupart des kokeshi, notamment les plus anciennes ne sont pas vernies et le pigment de la peinture naturelle est très sensible au toucher, à la lumière. L’animisme au japon conçoit le monde en perpétuelle transformation, tout ce qui existe à un caractère passager, fugace, transitoire, la beauté réside en cette impermanence. La fête des cerisiers est emblématique de ce trait esthétique. « Si par hasard un étranger te demande où se trouver I ‘esprit du japon, va montre lui la fleur de cerisier » Motoori.

« Un raz de marée arrive. Bientôt, j’en suis sûr, tout le monde mourra ».Aoyama. Cette phrase prononcée face à la mer par une petite fille au tout début d’Euréka, film prodigieux d’Aoyama, dit qu’il y a tout lieu de redouter la nature. Dans ce drame, cette prise d’otage sanglante qui s’abat sur eux, la violence des hommes n’a d’égal que celle de la nature. La nature dans cette vision du monde animiste est crainte et vénérée, vénérée si transformé en jardin zen.

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Publié par faitetafaire1128

Qui suis -je ? Trop vaste question pour moi et pour vous. je suis un peu celui qui se refuse à s'en remettre aux autre sans comprendre par soi même . Je suis celui qui aime les personnes mais s attache peu au genre humain. Je suis un enfant des trains électriques, des petits cyclistes , qui allait voir décoller les avions au Bourget avec son père. Je suis un fils d'immigré républicain espagnol qui aime la France mais se désole du refus de mes contemporains d être ce que nous sommes, c est à dire une civilisation judéo chrétienne accueillante mais intransigeante sur l art de vivre à la française qui reste notre seul héritage. J aime la pensée, la philosophie , mais aussi la spiritualité qui forge les cultures. j espère que mes petites lucarnes , plus ou moins régulières- travail et ultra trail oblige- vous feront plaisir.

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