Autonomie et Eutrapelia

Un projet d’autonomie pour les individus ne peut pas à mon sens ne reposer que sur  l’éducation, l’action, la praxis ,l’émancipation par les luttes.

La dimension anthropologique nécessite de revenir sur deux dimensions souvent occultées ou disqualifiées : l’imagination et le spirituel.

Il ne s’agit pas pour moi de revenir à la pensée personnaliste des années soixante dix  portée par la revue Esprit mais d’approfondir un travail sur les conditions susceptibles de permettre ou favoriser un projet d’autonomie.

L’ imagination doit être vue comme une faculté propre à l’intellect humain à l’égal de l’entendement de la raison. La place accordée par la philosophie à l’imagination créatrice dans le domaine de l’art est significative à cet égard.

Kant par exemple reconnaît le rôle central de l ‘art et le génie de l’imagination en tant que un mode d’être originairement créateur où est littéralement produit des formes inédites à travers l’invention de règles nouvelles.

L’imagination radicale forme ce à partir de quoi surgissent des chaînes et les figures qui conditionne toute représentation et toute pensée . L’imaginaire radical se manifeste sous deux formes , l’imaginaire social qui crée les significations s’incarne dans le complexe des institutions de la société et l’imagination radicale de l’imagination à l’œuvre dans le « psychisme « humain individuel c’est donc l’imagination entendu comme faculté créatrice.

Mais, l’imagination a toujours été tenu par les philosophies pour une faculté humaine secondaire au mieux instruments utiles à la connaissance dans son effort pour articuler l’expérience et de concept au pire source d’illusions néfastes qui fait passer le faux pour le vrai et brouille les repères entre le réel et l’irréel.

Cette faculté humaine est primordiale car elle permet de penser le Chaos.

Le chaos possède dans le texte d’hésiode une double signification: il désigne d’une part le vide, le néant; d’autre part le désordre ce qui se donne d’emblée sur le mode du mélange. Au premier sens du terme le chaos renvoie à l’idée que le monde émerge du vide c’est à dire du néant que celui-ci est pure émergence en tant qu’il ne peut être considéré comme le produit d’une cause antérieure . Au second sens du mot le chaos signifie que le monde n’est pas intégralement organisé mais repose sur un désordre primordial puisque les formes déterminées qui lui donne la figure d’un cosmos organisé émerge de l’informe et l’indéterminé.

Mais que l’être ne soit pas intégralement déterminée ne signifie pas qu’il soit absolument indéterminable et comme rétif à toute détermination si l’être est à l’origine un chaos une multiplicité désordonnés sans structure il est aussi puissance de détermination créatrice. Le chaos ne constitue donc pas un pur désordre auquel cas il serait impossible d’en dire quelque chose. Il se donne toujours en même temps comme monde de forme organisée. La création est précisément la position de nouvelles déterminations.

Le magma désigne cette façon pour le chaos de s’arracher au désordre intégral ou rien ne fait ni sens ni forme afin de se constituer comme monde sans cette pré ordonnance des choses qui organise ce qui apparaît sous des formes génériques déterminées il ne pourrait exister aucun monde. Dans ces conditions le Magma permet de penser le mode d’être de ce qui n’est pas totalement ordonné ni intégré . C’est à partir de ce chaos initial que peuvent naître des entités nouvelles d’une certaine manière le magma ne se situe pas très loin de ce que Maurice Merleau-Ponty cherche à penser dans « le visible et l’invisible » sous le terme de chair. La chair forme cette texture qui constitue  « le milieu formateur de l’objet et du sujet », ce que Merleau-Ponty nomme l’invisible de ce monde celui qui l’ habite le soutien et le rend visible, sa possibilité intérieure et propre , « l’Être de cet état ».

Cette chair du monde ouvre à une dimension ontologique des choses.

Penser l’être comme auto création c’est à dire comme puissance  d’auto altération indéterminée en même temps que déterminante

L’imagination est  aujourd’hui considéré comme une faculté de la psyché et la psychanalyse s’est largement appropriée ce terrain d’étude. Mais appartient elle à cette catégorisation ; si oui n’est-elle que cela ? Quels liens entre Imagination et esprit ?

Le lien avec la Philocalie tient notamment à l’interprétation du Noûs .

Le mot a été longtemps traduit par esprit mais alors il y a une confusion avec la traduction du pneuma grec qui est précisément esprit et finalement occultation du sens spécifique du  Noûs que l’on peut   traduire  par intelligence .

Cette traduction est plus fidèle à la tradition , parce que l’intelligence  est un terme ambivalent faculté mais aussi activités, il peut s’appliquer à la connaissance du monde comme à la connaissance de l être ; ensuite parce que l’ambivalence permet le retournement la métanoïa le repentir ontologique le passage d’une connaissance à l’autre.

L ‘intelligence en grec le noûs cessant de se tourner continuellement vers le monde pour le connaître et l’utiliser jusqu’à la limite du possible se retourne sur elle-même pour se confier par impossible à l’origine du monde ; c’est l’envers silencieux de la philosophie.

Ce qui est dit intelligence c’est l’énergie de cette intelligence suscitée par les beaux raisonnements et les pensées et qui est appelée cœur par la philocalie . Le lieu ou demeure la plus importante de nos puissances intérieures l’intelligence et l’âme douée de raison qui est en nous.

« L’homme qui trouve sa joie et son équilibre dans l’emploi de l’outil convivial […] L’austérité n’a pas vertu d’isolation ou de clôture sur soi » pour Aristote comme pour Thomas d’Aquin.

Thomas définit l’austérité comme une vertu qui n’exclut pas tous les plaisirs, mais seulement ceux qui dégradent la relation personnelle. L’austérité fait partie d’une vertu plus fragile qui la dépasse et qui l’englobe : c’est la joie, l’eutrapelia, l’amitié ».

L’homme possède en lui-même une ouverture vers l’infini.

On ne peut connaître la vérité que librement, mais, en retour, celle-ci apporte un contenu positif à toute forme de liberté, la remplit, l’oriente, et, par cela, libère réellement La liberté encore négative et vide, le — « être libre de » – passe à la liberté positive — « être libre pour ». La liberté est la forme de la vérité, et celle-ci est le contenu de la liberté.

A l’affirmation de Sartre, l’homme est condamné à la liberté, Merleau-Ponty répond admirablement : l’homme est condamné au sens.

La volonté est une fonction de la nature, elle porte ses désirs, c’est pourquoi l’ascétisme cultive avant tout le renoncement à la volonté, l’affranchissement de toute nécessité venant de la nature. Par contre, la liberté relève de la personne et fait de celle-ci le maître de tout esclavage et de toute nécessité naturelle. « Dieu a honoré l’homme en lui conférant la liberté, afin que le bien appartienne en propre à celui qui le choisit dit St Grégoire de Nysse. St Maxime va plus loin : pour lui le besoin même de choisir est une indigence, le parfait est au-delà de l’option, il engendre le bien. Il produit ses propres raisons.

Il faut éviter toute confusion entre le terme psychologique de volonté et le terme métaphysique de liberté. La liberté est le fondement métaphysique de la volonté. La volonté est encore liée à la nature, elle est soumise aux nécessités au aux buts immédiats. La liberté relève de l’esprit, de la personne. Tout être humain possède un rudiment de personne, un centre psychologique d’intégration qui fait graviter le tout autour du soi métaphysique et forme la conscience de soi : c’est le prosopon ( la personne) . La personne est une catégorie spirituelle. Si l’individu est une partie individualisée du tout de la nature, par contre le tout de la nature est inclus dans la personne.

« Faire, et en faisant, se faire » formule philosophique, que la théologie élève à cette autre formule : « se faire en se dépassant » ; non pas Sum, mais Sursum. C’est la transcendance incessante de soi

L’homme est libre, absolument libre. Que voilà une nouvelle que le monde chrétien ignore le plus souvent. L’homme créé à l’image de dieu et participant à la nature spirituelle n’est pas simplement un individu. Il est aussi une personne. La personne se différencie des autres personnes non en s’appropriant quelque chose que les autres ne possèderaient pas, non en se caractérisant par des particularités exprimables, mais en étant nu sujet irréductible à tout autre, qui ne se différencie des autres qu’en possédant selon sa manière propre (tropos) ce que tous sont, et que tous possèdent. La personne est communion. St Cassien met l’accent sur le fait que l’homme a reçu le libre arbitre pour répondre à la grâce divine.

Il est certain que cette doctrine dépasse tout moralisme. Elle se fonde avant tout sur la connaissance de l être, mais aussi sur la connaissance des sens du corps et de l’âme.

Elle sous entend aussi, peut-être, la faculté de rester un peu nomade, pour ne pas dire errant, tout au moins en esprit, cela signifie de laisser une place à la culture et de na pas la sacrifier à la civilisation, à la technique et à l’efficacité.

Cela signifie également de savoir s’abstraire de son cadre de vie, nécessairement aliénant, et garder les yeux ouverts sur le vaste monde. Le danger de la sédentarisation c’est la naissance de l’uniformisme et de l’habitude.

Depuis la fin du moyen âge, surtout dans les pays d’Europe occidentale, l’enseignement des auteurs spirituels est devenu largement tributaire d’une psychologie qui a perdu le sens de l’unité profonde de l’homme. En même temps que l’on dissocie le corporel et le spirituel, on considère séparément la sensibilité, l’intelligence et la volonté : dans la sensibilité on s’efforcera de susciter de bons sentiments, en faisant largement appel à l’imagination et à l’émotion ; l’intelligence sera nourrie d’idées claires et distinctes, et appelée à construire de solides raisonnements ; à la volonté, on demandera de produire des décisions et des résolutions, fondées sur les connaissances de la raison et soutenues par les bons sentiments.

Mais ce n’est pas en additionnant des bons sentiments, par nature éphémères, des idées spirituelles, assez théoriques, et de bonnes résolutions, fragiles parce que sans racines véritables, que l’on suscitera une vie spirituelle forte, stable, joyeuse, capable d’intégrer toute la vie.

De fait, cette dissociation conçoit l’homme avant tout comme un individu. Nous ne reviendrons pas sur ce processus d’individualisation de l’homme, il est lié à cette conception religieuse de l’homme, à l’émergence de la société civile, de la ville, de la raison…

C’est pourquoi les sociétés modernes oscillent sans cesse entre un modèle totalitaire, où l’individu est contraint de se conformer à l’ensemble par une violence extérieure qui viole la dignité de la personne plus encore que les « droits » de l’homme individuel, et un modèle libéral, ou le libre jeu des intérêts individuels et des volontés propres risque toujours d’instaurer la loi de la jungle. Et de même que le principe personnaliste de la cohésion sociale est perdu ; l’individu apparaît comme éclaté, tiraillé entre des idéaux abstraits et des rêves vite démentis par la réalité, un appétit de puissance et de consommation qui l’aliène, et des pulsions agressives qu’il ne maîtrise pas. La modernité risque ainsi de n’être qu’une tragique résurgence du vieux monde.

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Publié par faitetafaire1128

Qui suis -je ? Trop vaste question pour moi et pour vous. je suis un peu celui qui se refuse à s'en remettre aux autre sans comprendre par soi même . Je suis celui qui aime les personnes mais s attache peu au genre humain. Je suis un enfant des trains électriques, des petits cyclistes , qui allait voir décoller les avions au Bourget avec son père. Je suis un fils d'immigré républicain espagnol qui aime la France mais se désole du refus de mes contemporains d être ce que nous sommes, c est à dire une civilisation judéo chrétienne accueillante mais intransigeante sur l art de vivre à la française qui reste notre seul héritage. J aime la pensée, la philosophie , mais aussi la spiritualité qui forge les cultures. j espère que mes petites lucarnes , plus ou moins régulières- travail et ultra trail oblige- vous feront plaisir.

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